Un art ou une sociologie ne saurait se revendiquer exclusivement de lui-même pour faire valoir sa fonction critique et faire entendre une voix discordante. Une pratique ne se suffit pas à elle-même pour marquer sa différence. Nous doutons fort qu’une sociologie ou un art puisse aujourd’hui être identifié en ces termes, sur un mode aussi univoque et exclusif, à travers des énoncés du type sociologie critique ou art subversif. Cette prétention a pris fin avec le déclin des avant-gardes et de l’idéal critique qui semblait leur être irréductiblement / substantiellement associé. Une théorie, un acte, une proposition, considéré en soi, comme tel, ne nous informe en rien sur les potentialités, plus ou moins radicales, qu’il réserve. En effet, le capitalisme contemporain a définitivement démontré son extraordinaire pouvoir d’instrumentalisation, de détournement, de renversement ou de récupération. Aucun énoncé, aucun langage, aucune théorie n’est assuré de tenir; aucun ne dispose en soi des qualités ou des dispositions qui le préserveraient et assoiraient fermement son positionnement. Le capitalisme contemporain est en capacité de re-signifier fondamentalement n’importe quelle parole ou action, surtout si elle opère isolément. La valorisation capitaliste s’est déplacée sur le terrain même de la créativité linguistique, conceptuelle ou sensible et c’est bien de l’intérieur de la pensée, du langage ou de l’art, que cette emprise s’exerce désormais [1]. Le constat est établi de longue date dans le domaine artistique. Le marché et les institutions de l’art absorbent systématiquement les marges, les périphéries, les alternatives, les dissidences et chacune de ces « ruptures », à l’inverse de leur intention affichée, contribuent à relancer le marché ou à relégitimer l’institution. L’héritage des avant-gardes a été parfaitement capitalisé et n’importe quelle « subversion » et « transgression » fait désormais œuvre, fait « classiquement » œuvre, et sera valorisée, tout naturellement, sur le marché de l’art. Dans le champ des sciences sociales, la situation est plus ambivalente [2] et il est encore fréquent que des auteurs se réclament d’une sociologie critique et laissent entendre qu’une sociologie, à partir d’elle-même, eu égard à son étayage conceptuel et méthodologique, incarnerait en soi un potentiel critique, comme si la capacité à faire rupture et dissensus pouvait émaner d’une propriété intrinsèquement attachée à un concept ou à un mode de théorisation. Il convient de se défaire de cette illusion, surtout pour ceux qui, justement, veulent engager leur sociologie dans un rapport critique à la société. Les formulations du type sociologie critique ou art subversif sont trompeuses si elles suggèrent que l’adjectif qui les qualifie leur serait substantiellement / ontologiquement lié. Ce n’est pas en se rapportant prioritairement à elle-même qu’une proposition artistique ou une théorie sociologique parviendra à fonder sa perspective, à l’éprouver et à la motiver. Comment une sociologie ou une création pourrait-elle être, à ce point, assurée d’elle-même ? Convaincue qu’elle trouvera toujours en soi les ressources pour résister aux diverses tentatives de récupération, de re-signification ou de renversement auxquelles elle ne manquera pas d’être exposée ?
Contester les logiques de captation et d’instrumentalisation
À la suite de Félix Guattari et Suely Rolnik, nous considérons, du point de vue d’une sociologie, que “le concept a toujours son sens défini dans le champ d’expérimentation avec lequel il se trouve articulé” [3]. Nous formulerions exactement la même thèse à propos d’une proposition et d’un geste artistiques. Pour autant, il ne suffit pas de rapporter le concept à l’usage qui en est fait ou de le mettre simplement à l’épreuve de sa pratique. Il ne suffit pas non plus d’interpeller l’intention artistique en regard de l’interprétation et de la réception auxquelles elle donne lieu. Se contenter de dire : la radicalité d’un engagement intellectuel ou esthétique se vérifie dans les faits, en regard des usages, réceptions ou pratiques qu’il suscite, est une façon plutôt sommaire et paresseuse de clore la question avant même de l’avoir posée. La formulation de Félix Guattari et Suely Rolnik nous apparaît autrement plus ambitieuse. Une conceptualisation ou une création fait sens – fait sens du point de vue de sa fonction critique – à l’échelle et à la mesure du champ d’expérimentation avec lequel et dans lequel elle œuvre. Cette formulation nous convie à un double déplacement : tout d’abord, rapporter le concept (ou la proposition artistique) non à l’empowerment [4] dont il serait censé disposer en soi mais le rapporter à l’agencement (le champ) dans lequel il émerge, se met à l’oeuvre et, in fine, fait sens et rupture autant pour son initiateur que pour ses interlocuteurs / destinataires ; en second lieu, solliciter le concept (ou la proposition artistique) non pour la diversité des pratiques qu’il manifeste ou engendre explicitement mais, au-delà, et plus fondamentalement, pour toutes les opportunités d’expérimentation qu’il octroie, pour les possibilités qu’il réserve, les événements qu’il provoque, les processus qu’il ménage, en fait pour l’indétermination qui le caractérise et qui nous invite à explorer, évaluer, éprouver, questionner…
Un énoncé théorique ou un geste artistique fait sens et action non pas dans un rapport exclusif à lui-même, ni dans un rapport univoque et élémentaire aux usages, interprétations ou pratiques auxquels il donne lieu, mais bel et bien dans un rapport constituant à un champ d’expérimentation (un agencement) dans lequel il s’immerge, qu’il contribue à constituer et qui, réciproquement, le ré-informe fondamentalement.
Ce double déplacement maintient notre attention, politique et intellectuelle, sur la variabilité et l’hétérogénéité des significations et interprétations. Aucun concept, aucun motif artistique n’est bien sûr à l’abri de cette reconfiguration de sens qui survient inévitablement, à la discrétion des praticiens, des récepteurs et des usagers et, en un mot, à la liberté des personnes concernées. Jacques Rancière nomme « partage du sensible » cet enjeu politique majeur qui consiste à redistribuer l’ensemble des évidences perceptives et interprétatives – ces « évidences » qui déterminent la répartition entre ce qui est rendu visible et ce qui est maintenu invisible, entre ce qui est reçu comme une parole ou entendu comme du bruit et, conséquemment, entre ce qu’on voit et ce qu’on peut en dire, entre ceux qui ont compétence pour voir et légitimité pour dire et ceux qui sont empêchés de le faire et d’y prendre part [5]. Le capitalisme contemporain fait merveille dans cet exercice de redistribution des perceptions et des significations. Il s’est engouffré dans cette tension de sens qui existe nécessairement entre l’intention de l’auteur (individuel ou collectif) et la liberté d’interprétation des concernés et a su instrumentaliser au plus haut point cette ambivalence et cette polysémie [6]. C’est sur ce terrain-là qu’opèrent les mécanismes de la valorisation marchande, par l’intermédiaire de l’industrie de la culture et de la communication dont la fonction première est de capturer les constructions de sens qui se forment dans nos communautés de vie et de pratiques pour les reconfigurer en services et biens valorisables sur le marché [7].
Des micropolitiques du performatif
C’est également sur cette ligne de tension que s’exercent nombre de mécanismes de pouvoir qui ont moins pour objectif de prescrire et d’interdire que de maintenir « sous contrôle » un jeu relativement ouvert d’initiatives, d’interprétations et de créations. Le management par projet et le gouvernement par contrat sont emblématiques de ces formes d’autonomie concédée ou d’autonomie sous contrainte qui parviennent à « dynamiser » l’initiative et la créativité tout en les re-codant immédiatement dans les termes attendues pour la production de tel bien culturel ou la promotion de telle politique. Artistes et chercheurs, comme bien d’autres travailleurs, sont désormais confrontés frontalement et quotidiennement à ces entreprises de captation et de capture. Lorsqu’ils répondent à un appel d’offre pour l’obtention d’un financement – une procédure à laquelle nul travailleur dans ces métiers n’échappe aujourd’hui –, ils sont d’emblée impliqués dans des processus très politiques de renégociation du sens, de reconfiguration des formes et de redistribution du sensible. La politique du performatif [8], à savoir la faculté de re-signifier radicalement l’objet ou le motif d’une proposition (artistique) ou d’un énoncé (théorique), se loge désormais au cœur des pratiques et des activités. Plutôt que de se lamenter sur la énième tentative de récupération ou d’instrumentalisation dont nous serions la victime en tant qu’artiste ou chercheur, il nous paraît plus opportun, et certainement plus offensif, d’assumer politiquement le fait que le capitalisme cognitif / immatériel [9] accorde désormais une importance déterminante à cet enjeu et que cet enjeu se pose immanquablement à tout chercheur et artiste dans la conduite de son activité. Artistes et chercheurs doivent donc concevoir des micropolitiques appropriées à cet enjeu, en capacité de résister sur les terrains qu’il détermine. Ils sont contraints d’inscrire ces micropolitiques – des micropolitiques du performatif ou des micropolitiques du partage du sensible – au cœur de leur pratique, en tant que donnée incontournable d’exercice de leur métier. Ce positionnement politique nous semble autrement plus conséquent, sur un plan intellectuel ou artistique, que la posture de l’artiste ou du chercheur « incompris » qui se drape dans sa distinction « historique » pour dénoncer les mauvaises manières qui lui sont faites [10]. La bataille s’est bel et bien invitée au cœur des mots [11]… et des théories, et des formes sensibles, et des configurations de sens.
Pour lever toute ambiguïté, nous insistons sur le fait que cette tension de sens et ce partage du sensible – entre auteurs et publics, opérateurs et usagers, décideurs et concernés – survient « naturellement » à l’occasion de n’importe quelle interaction. Par contre, comme jamais, le capitalisme contemporain se donne les moyens de les investir, de les reconfigurer et, in fine, de les instrumentaliser. Il démontre de la sorte qu’il est, comme toujours, en capacité d’assujettir des problématiques classiques (le fait qu’un énoncé ou une pratique est susceptible de voir sa signification radicalement bouleversée) pour les redéployer à son profit. Il y parvient en agissant sur deux registres, d’une part sur la monétarisation / marchandisation massive des activités de production de sens, d’affect et de valeur (éducation, soin, jardinage, art, formation, graphisme, recherche…) qui permet leur intégration à l’industrie des services; d’autre part, avec certainement plus de « subtilité » et d’envergure, sur la modulation / captation de la puissance créative inhérente à nos pratiques de vie et de travail à travers des procédés de pouvoir qui sollicitent nos implications pour mieux les enrôler, qui valorisent nos initiatives pour mieux les enchâsser. Un chercheur ou un artiste se trouve inévitablement confronté à de tels mécanismes dès lors qu’il négocie un projet. Qu’est-ce qu’il donne à lire de sa proposition et qu’est-ce qui en est effectivement lu ? Comment, au sein de son propre travail d’énonciation, se distribuent la part de l’entendu et de l’entendable, du dicible et de l’indicible ? Lorsqu’il fait valoir une perspective (conceptuelle, sensible ou axiologique), au bénéfice ou au détriment de qui le fait-il ? Lorsqu’il prend la parole, d’autres paroles sont-elles, en conséquence, invitées à se taire ? A l’occasion d’un travail avec un collectif « occupant », en activité dans une friche industrielle, nous avons soulevé plusieurs questions en ce sens. Dans quelle mesure le qualificatif « artistique » contribuait à légitimer leur pratique aux yeux des institutions publiques et, par contrecoup, de confirmer l’illégitimité d’autres ? Le site était-il vide d’usages avant que ce collectif ne l’occupe ? N’était-il pas antérieurement largement « occupé » mais par des pratiques invisibilisées ou illégalisées ? À partir de ces différentes questions, nous souhaitions réfléchir, avec le collectif « occupant », à la façon dont un acte, porteur en soi d’autonomie et sans équivoque sur son intention critique, s’inscrit, à l’échelle d’un territoire, dans des rapports micropolitiques de signification et de re-signification, de qualification et de disqualification, de partage entre ce qui peut être rendu visible et ce qui ne peut l’être. Cette ligne de tension traverse l’activité du collectif et met à l’épreuve son intention critique, à de multiples occasions et, parfois, sur des « terrains » qui n’avaient pas été à l’origine pris en considération. L’engagement critique ne fait donc sens et action qu’à l’échelle et à la mesure de cet agencement – ce champ d’expérimentation – avec lequel il se trouve nécessairement articulé. Il ne peut être ni agi ni pensé indépendamment de cette constitution d’ensemble du dicible et du lisible, des qualifications et disqualifications.
Rehausser notre puissance de refus
Ce déplacement, que nous pouvons qualifier, à la suite de Félix Guattari, d’écosophique [12], nous éloigne donc d’une conception auto-centrée et auto-référencée de l’art ou de la théorie. Une proposition ou un énoncé fait sens et fait action principalement du point de vue de la micropolitique du sensible ou du performatif qui l’engage et dans laquelle il s’engage. Autrement dit, la capacité critique et la force de rupture se déterminent ici, au cœur de ce travail de resignification et de partage qui associe/oppose une multiplicité d’acteurs – des acteurs à la parole et la présence plus ou moins considérées et visibilisées. C’est à ce titre que nous qualifions cette perspective d’écosophique dans la mesure où la puissance critique de nos énoncés et de nos propositions ne leur est pas substantiellement liée mais s’affirme à l’échelle et à la mesure des multiples rapports micro-politiques qu’ils contribuent à constituer ou à révéler et qui, en retour, les « obligent ». La faculté critique se vérifie à cette mesure et à cette échelle, dans la constitution d’agencements, seuls susceptibles de contredire les dispositions normatives, axiologiques ou relationnelles dominantes.
C’est certainement dans le champ d’expérimentation que réserve Internet que ce déplacement a été politiquement et intellectuellement le mieux assumé. Les activistes du logiciel libre, de la vidéo militante ou encore des licences Creative Commons ne se contentent pas de faire valoir une intention critique ou une théorisation dissensuelle, ils s’emploient à constituer les agencements sociaux et techniques en capacité de faire rupture avec la logique de l’industrie de la culture et de la communication [13]. La puissance critique est bien celle portée et constituée par l’agencement au fur et à mesure de son déploiement. Comment contredire l’ordonnancement du capitalisme cognitif ? Certainement pas en le confrontant à une énième subversion ou transgression, puisque le pouvoir de captation et de ré-effectuation représente son régime ordinaire de fonctionnement, mais en lui opposant des agencements aussi bien techniques que sociaux, esthétiques que politiques, conçus à dessein et fonctionnant sur un mode autonome et collaboratif et, à ce titre, en capacité de s’opposer à son ordonnancement socio-technique.
Pour autant, nous ne dévalorisons aucunement le rôle de l’énoncé théorique ou du geste artistique. Leur contribution reste fondamentale, à condition qu’ils ne s’illusionnent pas sur la capacité critique qu’ils réservent en soi, comme telle, mais qu’ils acceptent de frayer avec la diversité des pensées, sensibilités et interprétations nécessairement à l’œuvre en toute situation afin de contribuer, au sein de cette multiplicité, à la constitution des agencements en mesure de résister à la force de re-signification et d’instrumentalisation du capitalisme contemporain. Comme le souligne Félix Guattari, “Je ne peux valider une idée – plus qu’une idée, ce que j’appelle une machine concrète – qu’à la condition qu’elle puisse traverser des ordres différents […]. Autrement dit, mon problème, c’est d’extraire des éléments d’un domaine pour les transférer dans d’autres champs d’application. Avec le risque, bien sûr, que ça foire neuf fois sur dix, que ça débouche sur un cafouillage théorique” [14]. Cette mobilité – cette transversalité – évite qu’un énoncé théorique ou une proposition artistique ne se dessèche en se cantonnant prudemment au cadre institutionnel (une école de pensée, un courant esthétique, un collectif de lutte…) qui l’a vu naître et le légitime d’évidence. C’est en se risquant là où ils ne sont pas spontanément attendus, que théories et arts parviennent à expérimenter de nouveaux rapports critiques et ressourcent leur puissance dissensuelle.
Seul ce changement d’échelle et de mesure permet au travail critique de s’affirmer face à un capitalisme – le capitalisme cognitif – qui a fait des techniques de re-codage, ré-interprétation et ré-information un de ses instruments privilégiés de domination. Dans cette perspective, l’énoncé théorique et le geste artistique assument une portée constituante : ils s’invitent sur des terrains inédits et y déploient de nouvelles hypothèses ; ils débordent les délimitations institutionnelles et dégagent de nouveaux horizons de sens. Ils expérimentent des formes et des protocoles ; ils explorent des fonctionnements. De la sorte, ils contribuent de manière décisive à la configuration d’agencements-en-rupture, des agencements concrètement et matériellement en rupture. Ils concourent donc, sur un plan intellectuel ou sensible, à la montée en existence de ces agencements de lutte et de résistance.
Ces agencements représentent essentiellement des champs d’expérimentation, au sein desquels les micro-politiques du sensible et du performatif peuvent être reformulées autant que besoin par les collectifs en lutte, en fonction de ce que l’ordre dominant leur oppose, sur un mode frontal (une répression) ou, plus fondamentalement encore, sur un mode insidieux (des logiques de qualification / disqualification qui se présentent comme des évidences) [15]. Ce serait bien à tort de les concevoir comme des « isolats » ou des formes de repli – des sortes d’alternatives auto-suffisantes. Ils représentent à nos yeux, au contraire, le moyen politique et intellectuel de rehausser notre puissance de refus et de nous montrer aussi mobile et « créatif », en termes de formes, de normes, de dispositifs, que peut l’être le capitalisme contemporain.
Pascal NICOLAS-LE STRAT, septembre 2009
[1] Ce point de vue est développé par Christian Marazzi in La place des chaussettes (Le tournant linguistique de l’économie et ses conséquences politiques), éd. de l’Éclat, 1997.
[2] Il est toujours intéressant de confronter pratiques artistiques et pratiques de recherche ; nous nous y sommes employé in L’expérience de l’intermittence, dans les champs de l’art, du social et de la recherche, L’Harmattan, 2005.
[3] Félix Guattari, Suely Rolnik, Micropolitiques, Les empêcheurs de penser en rond / Le Seuil, 2007, p. 223.
[4] Ou la capacitation, à savoir l’affirmation d’une puissance propre et d’une autonomie à agir.
[5] Jacques Rancière, Le partage du sensible. Esthétique et politique, La Fabrique, 2000.
[6] Yves Citton le montre remarquablement dans son ouvrage Lire, interpréter, actualiser – Pourquoi les études littéraires ?, éd. Amsterdam, 2007.
[7] Yann Moulier Boutang le formule en ces termes, comme un d’un des principaux marqueurs du capitalisme cognitif : “Parmi ces immatériels, l’un est promu à un rôle décisif dans la croissance économique. Il s’agit du processus de captation, aussi bien par l’entreprise que par le marché et la puissance publique, de l’innovation présente dans les processus cognitifs interactifs de coopération sociale et des savoirs tacites”, in Le capitalisme cognitif (La Nouvelle Grande Transformation), éd. Amsterdam, 2007, p. 78.
[8] Judith Butler, Le pouvoir des mots (Politique du performatif), éd. Amsterdam, 2004 (Tr de l’anglais par Charlotte Nordmann). Voir aussi, à ce propos, Michael Hardt et Antonio Negri, Multitude (Guerre et démocratie à l’âge de l’empire), La Découverte, 2004, p. 236 et sq.
[9] Sur cette problématique du capitalisme cognitif, nous nous référons à Carlo Vercellone (sous la dir. de), Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, La Dispute, 2003; Christian Azaïs, Antonella Corsani et Patrick Dieuaide (eds.), Vers un capitalisme cognitif (entre mutations du travail et territoires), L’Harmattan, 2001 ; Yann Moulier Boutang (coord.), Politiques des multitudes – Démocratie, intelligence de vie & puissance de la vie à l’heure du capitalisme cognitif, éd. Amsterdam, 2007.
[10] C’est la thèse que nous avons soutenue dans notre ouvrage La relation de consultance, une sociologie des activités d’étude et de conseil, L’Harmattan, 2003, à propos de la situation du chercheur-intervenant.
[11] “On l’a vu, dès lors qu’on se parle, ce qui implique qu’on partage une certaine connaissance d’un certain code, on échange à la fois des informations et les découpages de la réalité sensible sur lesquels repose ce code, découpages qui impliquent à leur tour certaines attitudes face au monde […] Les mots ne communiquent pas « proprement »”. Yves Citton, op. cit., p. 172.
[12] Cf. Félix Guattari, Les trois écologies, éd. Galilée, 1989. Une démarche écosophique nous invite à expérimenter en termes nouveaux notre rapport aux autres (écologie sociale), notre rapport à soi (écologie mentale) et notre rapport à nos environnements de vie (écologie urbaine, par exemple). Elle nous amène à considérer une action, non seulement du point de vue de ce qu’elle incorpore en soi, mais également du point de vue de ce qu’elle implique pour notre environnement de vie et du point de vue de ce que notre environnement de vie engage en elle et par elle.
[13] Voir à ce propos l’ouvrage de Olivier Blondeau (avec la coll. de Laurence Allard), Devenir Média (L’activisme sur Internet, entre défection et expérimentation), éd. Amsterdam, 2007.
[14] Félix Guattari, Les années d’hiver, 1980-1985, Les prairies ordinaires, 2009, p. 116.
[15] Jérôme Vidal, in La fabrique de l’impuissance 1 – La gauche, les intellectuels et le libéralisme sécuritaire, éd. Amsterdam, 2008, insiste à raison sur la crise de la « puissance-à-agir » (de l’agency) qui caractérise les partis de gauche et, plus généralement, la pensée critique. Il nous semble que l’engagement de l’art et de la théorie dans la constitution d’agencements contribue à contrarier radicalement cette fabrique de l’impuissance, à condition que ces agencements soient conçus à la fois comme des agencements de vie et d’activité (leur puissance constituante) et des agencements de lutte et de résistance (leur puissance destituante). Nous avons mesuré, plus personnellement, l’importance de cette constitution des agencements, dans des champs à l’interface de l’art et du social, de l’art et de la politique, à l’occasion de nombreuses expériences de coopération partagées avec François Deck (École supérieure d’Art de Grenoble) ou par Jean-Paul Thibeau (École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, initiateur des Protocoles méta : www.protocolesmeta.com/).