Faire politique latéralement : la fonction intermédiatrice du « récit »

Nous avons rédigé ce texte à l’issu d’un séminaire de travail organisé par le réseau ARTfactories/autre(s)pARTs – ce réseau associe, sur un plan national et européen, des acteurs culturels et des collectifs d’artistes qui pratiquent un art in situ, en interaction étroite avec des territoires et des milieux de vie. Cette rencontre s’est tenue en février 2010 à la Friche La Belle de Mai à Marseille. Nous avons contribué à ce séminaire alors que nous venions de lire l’ouvrage de Yves Citton, Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche (éd. Amsterdam, 2010) et que nous étions donc largement empreint par son mode de problématisation du « récit ». Cet article se présente donc comme une sorte d’interpellation réciproque entre les thèses de Yves Citton et les interventions restituées par différents artistes du réseau ARTfactories/autre(s)pARTs [1] – chacune de ces expériences (de pensée, de création et d’action) s’est présentée, pour nous, comme une opportunité d’explorer et d’éprouver l’autre.

Montée en généralité, montée en latéralité

Cet article s’appuie sur l’hypothèse qu’il est possible de « faire politique » (faire politique culturelle, faire politique sociale ou faire politique urbaine) par le bas, latéralement, à partir d’un maillage d’expériences / expérimentations. Dans ce cadre, le « récit » fonctionne alors comme un intercesseur ; il est susceptible de s’intercaler entre les expériences et de permettre le passage de l’une à l’autre. Cette « fabrique politique » n’opère pas sur le mode d’une montée en généralité des situations singulières mais plutôt sur le mode de leur expansion transversale, par l’intermédiaire de leur mise en récit (politique).

Les acteurs culturels et collectifs d’artistes associés dans le réseau ARTfactories/autre(s)pARTs pratiquent un art contextualisé, principalement ancré dans des processus de co-création et de co-action. Leur démarche possède donc une forte portée écosophique. À partir d’une diversité de sensibilités artistiques, ils partagent une même préoccupation, à savoir la façon dont nous investissons et habitons notre environnement de vie, les différentes écologies constitutives de notre existence – des écologies urbaines et institutionnelles, imaginaires et symboliques, intellectuelles et affectives. Cette qualité écosophique se manifeste par une conception de l’acte artistique, non comme une œuvre achevée destinée à un public éclairé, mais comme un « centre de perspective » qui s’ouvre sur une multiplicité de processus, en lien avec un territoire, des personnes ou une population ; par la volonté de dé-hiérarchiser les relations qui s’établissent entre les différents contributeurs à un même projet, en particulier la relation entre l’artiste et les autres personnes ; par le choix de s’inscrire dans une durée pour travailler aussi bien les antériorités que les contemporanéités d’une action, loin de la facilité événementielle dans laquelle se complaît si souvent la politique culturelle. Ils pratiquent donc leur « art » en situation d’interface (co-création, co-action) et dans une perspective d’intermédiation (co-habitation et co-habilitation de pratiques d’horizons différents, relevant aussi bien des « arts de faire » du quotidien que de savoirs spécialisés).

Une fabrique de politique loin des énonciations politiques attendues

Leur posture (artistique) relève bel et bien d’un engagement (politique). Ils « font politique » même lorsqu’ils fabriquent tout autre chose que « du politique », en l’occurrence lorsqu’ils travaillent les dimensions sensibles, symboliques, spatiales, relationnelles ou encore corporelles de nos activités et de nos vies. C’est cette énigme qui intéresse tout particulièrement notre propos – cette énigme d’une réalité politique qui se constitue indépendamment des registres sur lesquels elle est habituellement et classiquement attendue, qui ne s’énonce pas comme telle (comme du politique) mais qui agit pourtant bel et bien en ces termes. Du politique est à l’œuvre, et puissamment, même lorsque ces artistes vaquent à de toutes autres occupations. Mais cette dimension, pourtant indissociable de leurs interventions, se fraye difficilement un chemin pour se formuler, se dire, s’énoncer. Ces artistes sont à la fois très actifs politiquement, dès lors qu’ils se confrontent à la constitution de nos formes de vie, d’habitat et d’activité, tout en se tenant à distance du champ strictement politique. Pourquoi est-ce si délicat pour eux de faire le récit politique d’une expérience qui l’est pourtant bel et bien ? Les mots de l’engagement et de la critique seraient-ils devenus à ce point inadéquats ou usés qu’ils ne permettraient plus d’accéder à ce travail politique en train de se faire, hors les murs (du politique), de plein vent ? La grammaire et la syntaxe du débat public à ce point démunies face à cette « fabrique de politique » qui émerge de partout et de nulle part en particulier, qui s’expérimente dans des lieux et des espaces non accrédités (politiquement) et qui peut parfaitement, et avec bonheur, se nicher, au cœur d’une activité artistique ?

La période des avant-gardes est manifestement révolue – cette période où personne n’osait un geste ou une parole sans l’avoir préalablement déclamé sous la forme d’un manifeste qui était sensé lui donner (politiquement) sens. Une autre expérience du politique – du rapport à l’expression politique – est en train de voir le jour, au moins dans le champ des pratiques artistiques qui nous intéresse ici, sur un mode certainement plus économe de ses mots. Un renversement s’opère. L’énonciation politique ne se pose plus en préalable de l’action mais se conçoit plutôt comme un de ses moments possibles – un moment parmi d’autres – plus ou moins revendiqué, plus ou moins investi. Il se fabrique du politique, à l’occasion d’une action artistique de ce type, et il s’en fabrique pour des raisons de fond car cette action interroge nos pratiques et nos interactions et contribue à leur agencement. Mais ce moment peut rester parfaitement silencieux ; ce qui ne retire rien à sa portée ni à sa force. Ce moment politique est donc fortement présent à travers la dynamique constituante qui s’amorce – par exemple, lorsque des artistes et des habitants explorent ensemble la quotidienneté de vie d’un quartier, d’une institution ou d’un territoire, sous ses aspects aussi bien symboliques que matériels – même si les protagonistes n’éprouvent pas le besoin de le formuler explicitement en ces termes. Ils s’en dispensent. Ce moment est actif sans être nécessairement actualisé et (ré)approprié dans une parole ouvertement politique.

Une nouvelle expérience générationnelle du politique

Dans son livre, Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche (éd. Amsterdam, 2010), Yves Citton, pose cette question déterminante : pourquoi la « gauche d’aujourd’hui » ne parvient-elle pas à construire des récits inspirants et à raconter des histoires à vocation fondatrice, tout à la fois ressources pour des expérimentations et recours pour les luttes ? La défiance qui s’est installée vis-à-vis des grands récits a provoqué à gauche une profonde allergie envers toute forme d’histoire.

Que recouvre cette réserve ou cette réticence ? Certainement pas un déficit (de mots) ou une incapacité (de langage) ! Il serait particulièrement injuste de caractériser cette nouvelle expérience générationnelle du politique uniquement en termes négatifs, en termes de manque (d’énoncés) ou d’insuffisance (d’énonciation). Certes, cette expérience s’éloigne du rapport au politique au caractère assez démonstratif et extraverti qui a été celui de la génération des avant-gardes ; elle traduit aussi la désillusion largement partagée vis-à-vis des grands récits émancipateurs du XXe siècle – les récits globalisants à visée d’autonomie, de libération ou de subversion.

À l’occasion de mon travail avec le réseau ARTfactories/autre(s)pARTs, en écoutant plusieurs artistes et acteurs culturels s’exprimer à propos de leurs pratiques, j’ai pris conscience de ce décalage – un décalage qui se fait jour entre l’envergure des dynamiques « constituantes » à l’œuvre dans ces pratiques, qui révèle une authentique « fabrique politique » à travers l’expérimentation d’un vivre et d’un faire en commun, et l’insuffisance du travail d’énonciation politique qui permettrait, pourtant, de formuler les enjeux de justice et d’égalité, de considération et de reconnaissance, impliqués inévitablement par ce type d’intervention artistique. Le souci ne porte ni sur la portée (politique) des actions, ni sur la conscience (politique) des acteurs mais sur la jonction entre ces deux plans. Comment fabriquer du récit politique au moment même où les protagonistes se confrontent de facto, à l’intérieur même de l’intervention, à un enjeu politique ? Comment mettre en histoire politique des expériences qui engagent nécessairement, aussi, par surcroît, cette dimension, même si elles sont initiées en premier lieu pour des motifs culturels ou artistiques ?

Un engagement qui s’indexe sur un doute (un doute à penser, un doute à agir)

Les acteurs du réseau ARTfactories/autre(s)pARTs identifient deux risques inhérents à cette mise en récit : d’une part, le risque d’une montée en généralité excessive et abusive et, d’autre part, le risque d’une parole d’autorité, celle accréditée et autorisée de l’artiste, qui viendrait recouvrir et inhiber l’expression des autres protagonistes. Comment éviter qu’une prise de parole ne se traduise immédiatement en prise de pouvoir ? Comment partager les enseignements d’une expérience sans la priver de sa singularité ?

Plutôt que d’espérer lever cette double inquiétude par je-ne-sais quelle prouesse théorique ou pratique, il me semble de meilleure politique de prendre acte que ces questions se posent inévitablement, et objectivement, en n’importe quelle situation et qu’elles doivent être assumées comme telles, en ces termes. Ces questions fonctionnent alors comme une sorte de « centre de perspective », indissociable du développement de l’action, qui émerge inéluctablement et qu’il convient de négocier et re-négocier (politiquement) autant que nécessaire et dès que nécessaire. Autre manière de le formuler, ces questions fonctionnent comme des analyseurs ou des révélateurs du projet d’intervention et, à ce titre, encouragent une distance critique et une vigilance réflexive. L’engagement (politique) s’indexe alors sur ce doute et sur ce risque mais un doute et un risque qui ne sont pas vécus comme un empêchement à faire ou penser mais, au contraire, comme une invitation à expérimenter de nouveaux dispositifs de débat et de nouvelles modalités de prise de parole. Comment faciliter la prise de parole (verbale, corporelle, spatiale, symbolique…), à l’occasion d’un travail en co-création, sans que cette parole ne soit immédiatement reprise, par l’artiste, au moment d’en faire le récit, au motif qu’il serait plus légitime pour le faire, ou plus compétent ? Comment éviter que la co-opération, vécue dans l’action, ne s’interrompe au seuil du travail d’énonciation, de publicisation et, in fine, de valorisation ?

D’un questionnement sur la « mise en récit politique » d’une expérience qui n’est pas principalement de nature politique, nous sommes rendu à une interrogation portant sur une « politique du récit ». Comment conduire le récit d’une expérience sans que cette narration porte préjudice à certains des protagonistes ? Comment limiter les effets de hiérarchisation et d’intimidation qui ne manquent pas d’apparaître lors de la prise de parole ?

Nous allons tenter de rassembler ces différents points d’analyse en quelques thèses.

Une prise de pouvoir par le bas

Nous restons fréquemment prisonniers d’une vision unilatérale du pouvoir, à la fois verticale et hiérarchisée, sans mesurer à quel point cette vision, effective, réelle, agissante, peut être contrecarrée par le bas, sur un registre plus transversal. En s’engageant dans une démarche de co-création, les personnes vivent une expérience politique majeure ; elles (re)prennent la main sur une faculté dont nous disposons en commun, la faculté de constituer nos formes de vie et d’activité et d’agencer à nouveau compte les situations. Cette faculté (cette puissance) n’a rien de désincarné ni de spontané. Comment faire commun ? Comment faire en commun ? De ce questionnement découle une multiplicité de pistes d’action et de réflexion. Selon quelles modalités et protocoles ? En fonction de quels agencements ? Avec quelles méthodes ? Dans quelles perspectives ? Chaque démarche de co-création offre l’opportunité d’explorer plusieurs de ces pistes. Cette puissance d’agencement, de coopération et de création, nous l’avons effectivement, manifestement, tenue entre nos mains, dans une situation particulière, à partir d’une initiative artistique spécifique, dans un contexte donné. Que parvenons-nous à en faire ? Comment l’ouvrir et l’élargir à d’autres contextes ? De quelle façon faire jonction avec des expériences similaires ? Et, fondamentalement, comment opposer cette faculté de faire en commun, source d’autonomie et de transversalité, à l’exercice verticalisé du pouvoir et aux autorités en surplomb ? Lors de ce travail avec ARTfactories/autre(s)pARTs, à plusieurs reprises, j’ai eu le sentiment que les personnes sous-estimaient l’appui politique – et, disons-le clairement, le pouvoir – que représente cette capacité et la ressource qu’elle peut constituer lors d’une négociation ou d’un rapport de force avec une institution « officielle ». Comme le souligne Yves Citton, « le désarroi actuel de la gauche (officielle) tient à un blocage et à un déficit qui sont précisément à situer au niveau d’un imaginaire du pouvoir qu’elle n’est pas parvenue à renouveler » (Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche, p. 15).

Fabriquer du politique. L’expérience d’un comment

À la différence d’un positionnement de type « avant-garde », fortement centré sur la finalité de ses énoncés et de ses interventions (à destination de qui et pour quoi ?), l’engagement écosophique éprouve sa radicalité dans l’exploration d’un « comment » (avec qui et en rapport à quoi ?). Le manifeste avant-gardiste est une adresse ; la démarche écosophique, une expérimentation. Les idéaux ne sont pas moins actifs et radicalisés dans cette nouvelle perspective, mais leur force tient à leur incorporation dans des processus, des micro-politiques ou des agencements. Leur puissance est une puissance assimilée, intégrée, incorporée. La question (politique) du « comment » devient décisive. Comment dé-hiérarchiser une situation ? Comment engager un échange sur un mode plus égalitaire ? Comment déjouer les évidences ? Comment concilier les multiples dimensions d’une intervention ? Comment fabriquer la ville à partir de ce qui s’y vit et s’y pratique ? La radicalité (politique) de l’engagement se vérifie à chaque fois à l’épreuve d’un « comment ». En effet, quelle serait la portée d’une revendication d’autonomie et d’égalité si elle ne parvenait pas à se frayer un chemin, effectivement, manifestement (sur un plan symbolique, matériel, imaginaire, sensible, intellectuel…), au cœur de nos vies et de nos activités et si elle n’y opérait pas les ruptures et les déplacements indispensables ? Faire politique, c’est donc en premier lieu « fabriquer » du politique, à savoir déployer les agencements et amorcer les processus en mesure de résister, en situation, dans un contexte donné, aux emprises hiérarchisantes et discriminatoires. Faire politique, c’est donc faire l’expérience de ce moment constituant – ce moment vécu en commun au cours duquel nous explorons un « comment » et nous éprouvons notre propre faculté à faire.

Reparcourir son expérience dans une optique politique

Le récit politique (émancipation, autonomie, libération…) n’est pas la pré-condition de l’action, comme peut y prétendre un manifeste, mais le vecteur de son intégration, a posteriori, à travers la capacité du récit à réinsérer / réintégrer la multiplicité de nos perceptions, affects et intellections dans une structure narrative (un script, un scénario) au sein de laquelle nous formulons des rapports de causalité, nous identifions des nœuds de convergence ou de divergence ou, encore, nous modulons la signification des événements. Le récit performe l’action. C’est une action sur l’action qui nous aide à nous orienter dans notre propre expérience. La mise en récit nous offre l’opportunité de reparcourir ce que nous avons vécu et de dégager de nouvelles perspectives. Elle nous permet d’engager un rapport politique avec ce que nous avons réalisé – y compris avec ce que nous avons entrepris indépendamment de toute intentionnalité strictement politique – en vue d’identifier et de formuler les enjeux qui se sont manifestés dans le déroulement de l’activité, les contradictions auxquelles nous avons été confrontés et, surtout, les micropolitiques constituantes / instituantes que nous avons développées en rapport direct et immédiat avec la situation.

Sur le mode d’un feuilletage politique

Dans une perspective écosophique, le récit ne vise pas à rehausser en généralité une expérience singulière, mais à mettre en rapport une multiplicité d’expériences, sur un mode transversal et latéral. Les actions ne sont pas simplement juxtaposées, elles communiquent entre elles par l’intermédiaire des récits qui en sont faits. Chaque récit fonctionne, en quelque sorte, comme un intercalaire qui se glisse entre les actions et facilite le passage de l’une à l’autre. Il devient alors possible de « feuilleter » une sorte d’album politique composé d’une multiplicité d’expériences. La lecture des situations et des événements n’opère pas en surplomb, par le haut, à la manière d’un récit universalisant, mais sur un mode latéral par l’interpellation réciproque des actions entre elles, chacune introduisant à la lecture de l’autre, chacune sollicitant l’interprétation de l’autre. Nous reconnaissons alors « dans le récit des éléments qui nous sont déjà familiers ; sur la base de cette familiarité, un deuxième moment invite à l’immersion dans le monde (souvent fictionnel) au sein duquel se déroule l’histoire ; un troisième moment permet, à partir de cette immersion dans un monde qui n’est pas le nôtre, de nous confronter à des expériences inédites et d’induire ainsi la reconfiguration de nos manières habituelles d’enchaîner les faits et les actions » (Yves Citton, Mythocratie – Storytelling et imaginaire de gauche, p. 74). Ce travail de mise en récit ouvre deux opportunités : d’une part, la possibilité de porter un regard inhabituel sur une situation qui nous est familière et de lire en termes politiques ce que nous avons entrepris pour toute sorte de motifs ; d’autre part, la possibilité d’accéder à une expérience qui nous est étrangère et de construire ainsi un regard décalé par rapport à ce qui nous est (politiquement) familier.

Des faiseurs de récit

Cette « politique du récit » interroge tant la posture du « faiseur » de récit que celle du destinataire – celui qui écoute ce récit. Ce dernier s’efforce de rendre intelligible une expérience qui lui est foncièrement étrangère ; il la reparcourt et l’interprète. Il tente de l’inscrire dans un horizon de sens qui lui soit accessible et familier. Il (ré-)élabore à son tour ce récit ; il le fait en s’efforçant de le rapporter à des repères biographiques qui lui sont personnels, de le rapprocher de ses propres expériences. C’est en ce sens que le récit de l’un concourt à la construction biographique de l’autre, et réciproquement. Chacun biographie donc, à son compte propre, une large palette d’expériences, y compris des expériences qu’il n’a pas réellement vécues, qu’il découvre dans la narration d’autrui mais qu’il parvient néanmoins à partager car elles font sens pour lui, en regard de situations ou d’expériences similaires ou approchantes qu’il a forcément rencontrées dans son parcours personnel. « La réception du récit de vie mobilise ce que nous pourrions appeler une biothèque […], c’est-à-dire l’ensemble des expériences et des savoirs biographiques du sujet […]. Le savoir et l’expérience biographiques qui constituent la biothèque forment un système contextualisé qui intègre divers réseaux d’appartenance (familial, professionnel, social, culturel, etc.), inscrit l’individu dans un cadre socialisé de références communes et lui rend disponible une somme de savoirs biographiques socialement et culturellement partagés qui vont bien au-delà de sa seule expérience individuelle » (Christine Delory-Momberger et Rémi Hess, Le sens de l’histoire – Moments d’une biographie, Anthropos, 2001, p. 16). Une « politique du récit » mobilise donc la capacité de chaque narration à réinterpeller, réouvrir, réinformer nos biothèques (politiques) personnelles ou collectives ; et c’est ainsi qu’elle est en capacité d’assurer une fonction intermédiatrice.

Pascal NICOLAS-LE STRAT, juillet 2010

[1] Nous ne nommons pas individuellement chaque artiste ou collectif et nous mesurons ce que ce choix peut avoir d’injuste. Nous n’avons aucunement l’intention d’assimiler la diversité de leurs pratiques et créations dans une entité englobante, à savoir l’association ARTfactories/autre(s)pARTs à laquelle ces artistes, acteurs culturels et collectifs participent. Mais il est vrai que nous construisons notre réflexion à partir de la richesse des discussions qui ont eu lieu au cours de cette journée de séminaire, et c’est bien cette dynamique d’échange qui constitue, pour nous, un « ensemble » réflexif – un « commun » qui est au cœur des analyses que nous développons ici, dans ce texte.