Nos devenirs-multitude

L’art sollicite de plus en plus fréquemment les autres domaines d’action et de connaissance et le travail de création s’exerce alors à la jonction d’une diversité d’expériences : celle des habitants d’un quartier ou des résidents d’une institution, mais aussi celle, plus spécialisée, des chercheurs en science sociale ou des philosophes. La scène artistique apparaît de plus en plus fortement peuplée, entre l’action de l’artiste, l’intervention d’autres créateurs, la contribution des publics et la participation de professionnels extérieurs au monde de l’art.

Alors que les procédés de standardisation, inhérents à l’organisation capitaliste de la production et de la consommation, assèchent nos formes de vie et d’activité [1], de nombreuses pratiques artistiques actuelles s’emploient, à l’inverse, à les (re)peupler en valorisant la rencontre et le voisinage entre des pratiques que l’ordre dominant maintient à distance et, souvent, en défiance. L’art est devenu le grand (re)peupleur de nos espaces de vie et d’activité.

Nous avons conscience que le terme que nous employons (re)peupler – à l’encontre des logiques purement fonctionnelles et instrumentales qui évident et aseptisent notre ordinaire de vie – s’avère trompeur; le phénomène de pluralisation, de différenciation et de singularisation que nous appelons de nos vœux prend naturellement plutôt les traits d’une multitude que d’un peuple, en raison de ce que ce dernier implique comme logiques d’homogénéisation et d’unification. A l’inverse de l’idée de peuple ou de public, et plus encore de spectateur ou d’usager (d’une institution culturelle), une multitude de création et d’échange se présente comme une pluralité qui insiste et persiste et qui, en conséquence, résiste aux tentatives qui voudraient l’assujettir à une identité (l’artiste), l’assigner à une condition (l’artiste et son public) ou la limiter à une finalité (l’œuvre d’art). Comme le défend Paolo Virno, “Multitude signifie : la pluralité – littéralement : l’être-nombreux – en tant que forme durable d’existence sociale et politique, par opposition à l’unité cohérente du peuple” ou, pour ce qui intéresse directement notre propos, à l’unité supposée de l’œuvre, du public ou de la discipline exercée. “Pour Spinoza la multitudo désigne une pluralité qui persiste comme telle sur la scène publique, dans l’action collective, dans la prise en charge des affaires communes, sans converger vers un Un, sans s’évaporer sur un mode centripète” [2]. Quand nous sollicitons une pratique artiste, dans l’espoir qu’elle contribue à (re)peupler nos scènes de vie et d’activité, c’est sur le mode d’un « être-nombreux », à savoir sa capacité à déployer et à faire interagir une diversité de sensibilités et d’expériences.

Nous interpellons en ces termes les pratiques artistiques; nous le faisons avec autant d’insistance à l’endroit des pratiques sociologique, éducative, pédagogique ou de santé, encore faudrait-il que ces pratiques s’exonèrent d’une inscription institutionnelle trop prégnante. L’expérience d’un devenir-multitude, à l’échelle de nos vies et activités, signe effectivement l’exode de la création hors de sa condition artistique, l’exode de la recherche sociale hors de sa condition académique, l’exode de la pédagogie hors de sa condition scolaire et, peut-être plus difficilement encore aujourd’hui, l’exode du travail éducatif ou du travail social hors de l’emprise des politiques publiques.

Sur le mode d’un être-nombreux

Une pratique artistique est donc en capacité d’éveiller nos devenirs-multitude, à condition qu’elle ne sacralise ni l’auteur, ni l’œuvre et qu’elle parvienne à contredire un certain nombre de procédés, très actifs dans les institutions culturelles, qui tendent à déprécier le processus de création, et son caractère pluriel et pluraliste, au profit de l’unicité de l’œuvre, à la portée objectivante et conclusive, immédiatement valorisable sur le marché de l’art ou le marché interne des politiques culturelles. Un art rendu à sa multitude [3] est bien un art qui ne se soumet ni à l’apparat conclusif de l’œuvre, ni à la prétendue souveraineté créatrice de l’artiste. C’est un art qui échappe au huis clos, un art qui œuvre à la manière d’un être-nombreux, un art qui se rapporte essentiellement à sa puissance écosophique, à savoir sa faculté de faire interagir nos affects et percepts, nos intellectualités et sensibilités. L’art nous rend alors plus nombreux, rend chacun d’entre nous plus nombreux. Il contribue alors à notre devenir-multitude et il le fait d’abord en multipliant les occasions de rencontres – des rencontres entre artistes et personnes impliquées, entre artistes eux-mêmes, issus bien souvent de disciplines différentes, entre personnes engagées dans le processus de création et bien d’autres personnes, plus en distance, résidentes du même territoire ou de la même institution, qui sans être directement associées à la démarche de création se trouvent néanmoins concernées, parfois simplement parce que le processus affecte leur espace de vie ou d’activité. Cet art, au caractère fortement processuel, nous rend également plus nombreux – plus nombreux à l’intérieur de nous-même – car il ne cesse d’élargir nos expériences de vie et d’activité en les sollicitant sur une diversité de plans : sur un plan réflexif et sensible, politique et social, intellectuel et fictionnel. Notre devenir-multitude signe effectivement une démultiplication des « niveaux de réalité » [4] que nous expérimentons à l’intérieur de nous-même et à l’occasion des interactions que nous engageons avec d’autres. C’est en ce sens que l’expérience de la multitude nous appartient intimement et contribue à la constitution de notre existence – à sa constitution micrologique [5], même si la notion de multitude est plutôt associée, généralement, à des phénomènes politiques et sociaux de large ampleur. A nos yeux, ce devenir-multitude se déploie et s’éprouve autant sur un plan micro – celui de nos coopérations et collégialités, celui du rapport à soi et du rapport singulier aux autres – qu’à l’échelle macro à laquelle il est habituellement assimilé.

Lorsque nous soulignons l’importance de ce devenir-multitude, qui redéploie nos réalités de vie et d’activité, nous le faisons en ayant farouchement conscience qu’il ne peut s’agir que d’une modalité ou d’une modulation de notre existence [6], à l’état de possible, jamais définitivement aboutie, continuellement alimentée par un jeu ouvert de différences et de singularités, et, en aucune façon, la énième récidive d’une autorité en transcendance du type classe sociale, peuple, tradition, corps professionnel, institution, sujet-collectif ou raison académique qui s’imposerait à nous et qui, face à elle ou en contre-plongée d’elle, nous laisserait démunis, avec pour refuge notre sentiment d’impuissance.

Ce devenir-multitude est fondamentalement un champ ouvert au désir d’expérimenter notre vie ou notre activité sur le mode d’un être-nombreux, à l’occasion d’une coopération de travail, d’une rencontre, d’un jardin commun ou de la constitution d’une collégialité de pensée. Et c’est bien cet effort soutenu et insistant d’expérimentation qui évite que cet idéal ne se referme sur une identité compacte, souvent formulée en majuscule (un Collectif, un Sujet, une École de pensée,…), et ne se retrouve piégé dans une entité unitaire (une œuvre d’art, une culture professionnelle, un concept, un programme…). “Une multitude est une multiplicité irréductible; les différences sociales singulières qui la composent doivent toujours s’exprimer et ne peuvent jamais être nivelées au sein de l’unité, de l’identité ou de l’indifférence. […] En d’autres termes, la question qu’il faut poser n’est pas « Qu’est-ce que la multitude ? », mais « Qu’est-ce que la multitude peut devenir ? »” [7].

Dans ces dernières années, deux expériences nous font mesurer, personnellement, l’écart qui peut exister entre un devenir-collectif, avec ce qu’il incorpore comme visée unitaire et idéal fédérateur, et un devenir-multitude qui se façonne sur un mode plus horizontal et moins délimité. La première expérience est celle de l’Iscra (Institut Social et Coopératif de Recherche Appliquée) à laquelle nous avons été associé durant neuf années [8]; ce projet, dont nous avons beaucoup appris, s’est développé sous la forme d’une coopération d’acteurs : un groupe de chercheurs-coopérants qui a réussi sur une longue période à reformuler et à réattester autant que nécessaire les éléments fédérateurs de son activité, tant sur un plan fonctionnel, qu’intellectuel ou politique, au point que ce projet a acquis une forte identité, notamment au regard de son environnement. Un fort idéal d’unité a porté cette expérience, sans aucunement homogénéiser l’activité ou faire taire les singularités. Ce signe de cohérence intellectuelle et politique était lancé essentiellement à l’adresse des autres acteurs du monde de la recherche et de l’intervention sociales, avec une affirmation très ferme de ce qui pouvait faire différence tant vis-à-vis des pratiques habituelles des consultants que des normes de la recherche académique. Cette visée d’unité était donc essentiellement à vocation externe. Dans cette expérience, l’espace-temps de la coopération était nettement délimité et les appartenances tout aussi clairement identifiées.

La deuxième expérience, actuellement en cours, prend plutôt la forme d’une coopération d’activités. Le projet de la-c00p [9] associe des activités aussi bien intellectuelles (édition, séminaire collaboratif…) que matérielles (jardin commun, par exemple). Il implique évidemment les personnes partie prenante de ces différentes réalisations mais de façon circonscrite (à une initiative ou à une contribution) et limitée (dans le temps). Le souci de cohérence oblige avant tout les activités et, par conséquent, expose moins les personnes. La coopération n’est pas une finalité en soi mais essentiellement un moyen d’agir – une faculté de faire – à réinventer à chaque initiative et à moduler en fonction des tâches à accomplir. Ce qui fait commun est bien cette capacité à agir, qui associe et réunit, car, in fine, la maintenance du site internet doit être réalisée avec la contribution d’un graphiste, d’un informaticien et des administrateurs, et l’arrosage du jardin commun assuré malgré la plus ou moins grande disponibilité des uns et des autres.

Cette part de commun qui insiste en nous

Qu’est-ce qui fait commun pour les acteurs de la-c00p ? De quoi disposent-ils en commun ? Fondamentalement cette capacité à agir, à savoir cette faculté d’associer les activités afin que le projet se réalise. Le commun n’existe pas comme tel, comme un acquis sur lequel s’appuyer ou comme l’aboutissement réussi d’une interaction d’acteurs; le commun se manifeste. Il se manifeste fondamentalement comme potentiel et virtualité qu’il s’agit d’investir et d’explorer, de composer et d’expérimenter, d’effectuer et de concrétiser. Le commun a besoin de s’éprouver et d’être éprouvé. C’est la raison pour laquelle nous entretenons forcément un rapport d’expérimentation avec le commun / au commun. Cette caractéristique nous paraît assez explicite dans les communautés du logiciel libre. Qu’est-ce qui signe le commun ?, si ce n’est la capacité à prolonger, compléter, amender le même dispositif informatique et à s’inscrire dans le processus interrompu de production du logiciel, avec le risque parfois que ce processus surenchérisse de lui-même et sur lui-même, au point que les nouvelles versions du logiciel se succèdent à un rythme qui épuise quelque peu le « simple » utilisateur. Le jour où cette capacité fléchit, alors le commun tend à s’étioler… même s’il peut en résulter le meilleur, à savoir un acquis mis en partage, approprié collectivement. Le collectif et le partagé renvoient à un espace-temps qui est susceptible d’être délimité, le commun, nullement. Il est possible de dire ce qui est donné en partage, comme il est possible d’identifier ce qui donne forme au collectif. Le commun excède de telles tentatives ; il est fondamentalement expansif, transgressif et démultiplié.

Quand nous rapportons la question du commun à une capacité ou à une faculté (une puissance), nous n’en proposons pas une vision désincarnée. Cette capacité inclut nécessairement à haute intensité de la technicité, de l’imaginaire, des conceptualisations… L’image qui est classiquement utilisée pour se familiariser avec cette approche constituante du commun (le commun comme puissance constituante) est bien sûr celle de la langue. Ce qui nous appartient en commun, ce n’est pas en premier lieu le mot que nous échangeons mais la faculté de parler, ce n’est pas prioritairement la tâche effectivement accomplie mais la capacité de la réaliser à plusieurs [10]. Le commun partage les qualités de la performance linguistique : “La langue est toujours produite en commun : elle n’est jamais le produit d’un individu, elle est toujours créée par une communauté linguistique qui communique et coopère. […] Le commun s’apparente effectivement à “la faculté du langage ou, en d’autres termes, la capacité générique de parler, le potentiel indéterminé précédant tout énoncé spécifique” [11].

Dans nos pratiques collectives, il convient donc de nous outiller, politiquement et intellectuellement, pour approcher ce commun et pour construire un rapport inventif, actif, offensif, à cette puissance dont nous disposons mais qui excède toute délimitation et toute appropriation. Lorsque David Vercauteren met l’accent sur l’importance des micropolitiques de groupe, il conçoit un groupe qui apprend à se vivre et à se penser dans son rapport à lui même, dans son rapport à ses propres capacités, dans son rapport aux facultés qui lui sont consubstantielles et qui le fabriquent en tant que commun. “La puissance d’un groupe dépend en effet en grande partie de la manière dont celui-ci va inventer les dispositifs et artifices qui vont, indissociablement, permettre à ceux qui y participent et au groupe lui-même de convoquer les forces en présence, de les activer et de les développer” [12]. L’ouvrage fourmille de pistes, théoriques et méthodologiques, pour avancer en ce sens : constituer une culture des « précédents » qui met la généalogie des actions au centre de nos préoccupations; favoriser une « écologie des signes » qui nous rend attentifs aux événements qui nous traversent et qui sont constitutifs de ce que nous devenons collectivement; éviter d’être pris en otage par des pratiques routinisées en explorant de nouveaux protocoles, artifices et fictions de fonctionnement; pratiquer une culture du détour qui introduit de nouveaux points de vue dans notre rapport à nous-même en tant que groupe; apprendre à vivre avec nos fantômes (la part d’impensé et de « délaissé » inhérente à l’existence d’un groupe) qui s’invitent quotidiennement dans nos activités et insistent en nous. Notre commun parle à travers ces précédents, ces événements, ces fantômes; il fait continuellement signe. Encore faut-il être disposé à l’entendre. Encore faut-il s’outiller intellectuellement et politiquement pour l’investir et l’actualiser. Encore faut-il parvenir à expérimenter les multiples possibilités qui se découvrent à cette occasion.

Pour notre part, à l’occasion de notre implication dans le laboratoire d’expérimentation sociale et artistique Protocoles méta [13], nous avons investi un outil possible pour accéder à cette part de commun qui agit par delà et à travers la multiplicité de nos expériences : le récit d’expérience [14]. Sa dénomination est simple, sa pratique exigeante sur un plan sensible, intellectuel et langagier. A l’occasion d’un récit d’expérience, le narrateur et ses interlocuteurs s’associent autour d’une même nécessité, la nécessité de concevoir un nouveau « présent » pour une expérience qui se fait entendre de loin, de très loin. Chacun esquisse une interprétation ou tente une explication. Chacun fait écho à des situations qu’il a vécues personnellement. Le récit fait son œuvre. L’expérience existe désormais en tant qu’expérience commune, par l’entremise des multiples interprétations qui lui sont adressées et les nombreuses variations dont elle fait l’objet. Elle est revisitée et retraduite. Elle se mutualise par la lente superposition de couches interprétatives. L’expérience originaire – singulière – est en quelque sorte subtilisée et outrepassée au bénéfice d’une expérience devenue commune, qui émerge à l’entrecroisement des diverses prises de paroles. Mais cette dépossession ne signe ni une perte ni un abandon. Au contraire, elle fraie la voie à de nombreux développements et maintient de la sorte l’expérience active et productive, présente et influente. Le récit a rempli sa fonction dès lors que l’expérience est devenue multiplicité – multiplicité de perceptions et d’interprétations, de commentaires et d’analyses –, dès lors qu’elle est devenue « commune ». Ce dispositif « récit d’expérience » agit bel et bien comme un révélateur, au sens photographique du terme, de la part de commun qui agit en toute situation. Il l’amène à fleur de réalité; il contribue à ce que chacun en prenne conscience.

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Notre devenir-multitude – l’investissement de nos vies et activités sur le mode d’un être-nombreux – nous éloigne donc des effets d’imposition et d’autorité inhérents à la recherche d’unité et de cohésion, au profit d’un rapport plus offensif et mieux assumé à l’ensemble des facultés et capacités communes qui contribuent à fabriquer, silencieusement et pourtant puissamment, nos réalités d’existence. C’est en tout cas l’enseignement que nous tirons, personnellement, des coopérations d’activité dans lesquelles nous sommes engagé, que ce soit celle de la la-c00p ou des Protocoles méta.

Ces facultés communes s’exercent forcément sur de nombreux registres : langagiers (l’effort de traduction est immense pour que le miracle d’une coopération survienne entre des activités nécessairement éloignées du point de vue de leur habitus, compétences, aspirations…); techniques (le même mot, par exemple, existe dans et par la technicité d’écriture du sociologue, la technicité typographique inhérente à la composition du texte, la technicité générique de la langue qui préoccupe le correcteur. Cette existence démultipliée du mot en signe, pourtant, bel et bien, le caractère commun) et sensibles (il suffit d’assister à l’impression de la couverture d’un livre en présence du graphiste et de l’imprimeur pour mesurer à quel point la coopération se rehausse bien au-delà d’un langage ou d’une technicité).

Un devenir-multitude se dispense de la recherche d’unité, y compris dans les termes d’une coopération qui s’écrirait en majuscule. Pour autant, il ne conduit ni à la dispersion ni au morcellement. Un devenir-multitude fait sens et fait action à travers la constitution d’un commun, ou plutôt d’une multiplicité de communs, à savoir des facultés et des capacités (des puissances) expérimentées sur un mode collégial à l’occasion d’un engagement dans une coopération, une association ou une communauté d’activité. Un devenir-multitude – la manifestation d’un être-nombreux dans la chair de nos vies et de nos activités – ne se rapporte donc pas à un commun posé comme préalable, fixé a priori et, en conséquence, considéré sur un mode unitaire et compact, mais il s’indexe sur un ensemble de facultés qui lui ouvrent une perspective et l’inscrivent dans une optique spécifique. Le commun ne peut donc pas être présupposé; il ne se pose pas en antériorité de l’action. Le commun se manifeste et s’exerce, il s’expérimente.

Pascal NICOLAS-LE STRAT, septembre 2009

[1] Elles les assèchent, paradoxalement, en les saturant – en les saturant de fonctionnalités, d’utilités et d’instrumentalités, au détriment de la vitalité des composantes axiologiques, sensibles, cognitives ou relationnelles de nos réalités de vie et d’activité.

[2] Paolo Virno, Grammaire de la multitude (Pour une analyse des formes de vie contemporaines), Conjonctures & L’Éclat, 2002, respectivement p. 80 et 8.

[3] Nous avons développé ce thème dans le chapitre « Un art rendu à sa multitude » de notre ouvrage Mutations des activités artistiques et intellectuelles, L’Harmattan, 2000, p. 31 à 46.

[4] Cet effet de pluralisation des niveaux de réalités est très présent chez Henri Lefebvre pour qui le niveau du quotidien interagit nécessairement avec le niveau du politique, de l’art, du fantasme, et inversement. Cf. Critique de la vie quotidienne – II. Fondements d’une sociologie de la quotidienneté, L’Arche éd., 1961.

[5] Cette perspective micrologique est développée dans notre ouvrage Expérimentations politiques, éd. Fulenn, 2007, chapitre 3 « Micrologie(s) ».

[6] Henri Lefebvre parlerait certainement à ce propos d’un moment possible pour notre existence, un moment qui ne saurait se clore complètement, et qui, en tant que moment, se maintient sans pour autant s’immobiliser. Cf. La somme et le reste, Méridiens Klincksieck, 1989, p. 233 et sq. Voir également Rémi Hess, Henri Lefebvre et la pensée du possible (Théorie des moments et construction de la personne), Économica / Anthropos, 2009.

[7] Michael Hardt et Antonio Negri, Multitude (Guerre et démocratie à l’âge de l’empire), La Découverte, 2004, p. 131. L’ensemble de notre texte est grandement redevable à la lecture de ce livre. Comme nous le faisons fréquemment avec les thèses de Toni Negri, nous les transposons à l’échelle des questions qui intéressent notre sociologie et les mettons donc au travail sur ce plan spécifique, à la portée essentiellement micrologique.

[8] Dans la deuxième partie de notre ouvrage Mutations des activités artistiques et intellectuelles, op. cit., nous publions différents textes que nous avons rédigés lors du lancement de ce projet. Nous préparons une publication qui rendra compte de cette expérience et qui en proposera une sorte de chronique.

[9] Les activités de la-c00p (Penser, travailler & produire en commun), initiées par Yves « l’Ours » Koskas, sont présentées sur le site : www.la-coop.org [consulté le 20 septembre 2009].

[10] Cf. Paolo Virno, op. cit., p. 94.

[11] Michael Hardt, Antonio Negri, Multitude (Guerre et démocratie à l’âge de l’empire), op. cit., p. 238-239.

[12] David Vercauteren (en coll. avec Thierry Müller et Olivier Crabbé), Micropolitiques des groupes (Pour une écologie des pratiques collectives), HB éditions, 2007, p. 168. Starhawk, in Femmes, magie & politique, Les empêcheurs de penser en rond, 2003, pose elle aussi très puissamment cette question du pouvoir-du-dedans (ce commun constitutif d’un groupe) et, surtout, nous invite à engager une relation désinhibée à cet ensemble de facultés immanentes à ce que nous sommes en tant que groupe, car il s’agit bien, in fine, sur un plan politique, de faire appel et de savoir faire appel à ces facultés, à ce « devenir capable » du groupe.

[13] Se reporter au site : www.protocolesmeta.com/. Corrine Melin présente en ces termes ce laboratoire des « protocoles méta » initié par Jean-Paul Thibeau : “Au bord des protocoles méta est un projet de projets. Il se déploie en fonction des rencontres, des lieux, des occasions, etc. Il peut réunir une dizaine de personnes comme en rassembler une centaine. Il peut se tenir dans une institution ou au bord de l’eau. Il n’a pas de forme et de lieu prédéterminés. Sa capacité d’adaptation est garante de sa dynamique, si ce n’est de sa « sur-vie ». Dans chaque séminaire, les participants sont invités à expérimenter des modes de penser et de faire à l’appui de corps, de durées, de concepts, etc., ainsi qu’à réfléchir sur la construction d’une plate-forme d’échanges commune. La grande difficulté pour les participants est de se défaire des emprises hiérarchisantes du savoir, de la parole, du corps, etc. Chacun arrive avec un rôle et/ou une fonction propre au domaine (culturel, social, scientifique ou artistique) dans lequel il opère. Comment lâchez prise ? A quel moment ? Pour aller où ?”, in L’espace de la parole commune, à partir d’une œuvre de Jean-Paul Thibeau, Université Marc Bloch, Strasbourg, avril 2006. Voir également l’ouvrage de Jean-Paul Thibeau, Prologue aux protocoles méta et aux congrès singuliers, éd. hors’champs, 2007.

[14] Cf. notre ouvrage Expérimentations politiques, op. cit., p. 79 à 87.