« Ce qui était bien, c’est que nous n’avions pas la moindre idée de comment tout cela fonctionnait. Comme nous n’avions pas peur non plus, nous pouvions briser les règles établies » [Jürgen Teipel, « Dilapide ta jeunesse (Un roman-documentaire sur le punk et la new wave allemands) », Allia, 2010, p. 181]
Le Do It Yourself est particulièrement représentatif de la conception contemporaine de l’engagement critique. Que pouvons-nous opposer au modèle dominant ? Avant tout notre capacité collective à créer, innover, détourner, contourner… L’appui des mots (l’écriture d’un manifeste) ne suffit pas, même s’il reste essentiel [1]. Nous devons avant tout nous prouver à nous-mêmes que nous pouvons agir, produire ou penser sur un mode radicalement différent et nous convaincre, de la sorte, que nous disposons collectivement de cette capacité. Nous en disposons car nous l’exerçons. Nous sommes conscients de la détenir car nous en faisons l’expérience. C’est cette force, à la fois « commune » et collective, que nous destinons à l’ordre dominant. C’est avec cette force-là, éprouvée et expérimentée dans nos actions, que nous parvenons à saper les logiques dominantes. « Le fais-le toi-même, l’édification de ses propres règles, la vie en marge de la loi et le fait qu’une bonne idée expérimentée vaut mieux qu’une mauvaise idée aboutie – cette merde me fait toujours avancer » [2]. C’est bel et bien cette montée en capacités et en pouvoir (cette capacitation) qui instrumente et légitime notre engagement critique. Il s’agit d’un signe fort que nous nous adressons avant tout à nous-mêmes car nous faisons l’expérience, à l’occasion d’une pratique commune, qu’une autonomie concrète est à portée de main et que nous pouvons nous appuyer sur cette critique en acte, et ce possible dès à présent réalisé, pour contredire, dans les faits et par l’expérience, le conservatisme des institutions établies.
Le Do It Yourself représente donc un appui privilégié pour renforcer nos capacitations collectives car il associe un idéal (d’autonomie) et une pratique (d’auto-production), un engagement critique et une puissance d’expérimentation, un désir de transformation et une « épreuve » (un défi) empirique.
Une autodidaxie érigée en art de vivre
Cet engouement pour le faire soi-même et le faire avec d’autres puise dans l’idéal autogestionnaire des années 60 et 70 et s’alimente aussi, concrètement et symboliquement, aux pratiques d’auto-production rendues célèbres par la scène punk rock. « Cette formidable force vitale qui s’exprimait par la musique tendait essentiellement à corrompre toute forme – il s’agissait de recommander aux gamins de ne pas attendre qu’on leur dise quoi faire, mais de s’inventer leur propre vie, il s’agissait d’inciter les gens à utiliser de nouveau leur imagination, il s’agissait de ne pas tenter d’être parfait, de dire que c’était très bien d’être amateur et comique, que la vraie créativité était issue d’un joyeux foutoir, il s’agissait de travailler à partir de ce que tu avais à ta disposition et de tourner toutes les choses embarrassantes, insupportables et stupides de ta vie à ton avantage » [3]. Cette logique d’auto-production trouvera sa forme emblématique dans la multiplication des Fanzines qui seront créés sans autre considération que le désir de prendre la parole et de la partager. Samuel Étienne souligne que ce média alternatif est à la fois décapitalisé, déprofessionnalisé et désinstitutionnalisé [4] ; décapitalisé car les fanzines sont lancés avec les moyens du bord, sans ressources financières ni techniques, et sont édités grâce à d’ingénieux bricolages et une joyeuse débrouille ; déprofessionnalisé car leurs instigateurs ne s’autorisent que d’une seule chose, leur passion et leur désir de la partager, ils ne se laissent freiner par aucune compétence ou savoir-faire et excellent dans une autodidaxie érigée en art de vivre ; désinstitutionnalisé car les fanzines échappent aux circuits de distribution de la presse et circulent de la main à la main, entre passionnés, ils sont façonnés par et dans les mondes musicaux dans lesquels ils s’échangent. Les fanzines constituent une sorte d’idéal-type du Do It Yourself et du Do It Together et anticipent par leur radicalité et leur créativité sur des pratiques qui se généralisent aujourd’hui dans un très large spectre d’activités et de productions, comme Étienne Delprat l’illustre et le problématise parfaitement dans son ouvrage Système DIY. Faire soi-même à l’ère du 2.0 [5]. Il faudrait ajouter à ce descriptif la déspécialisation car, dans la fabrication d’un fanzine, chacun est pareillement auteur et lecteur, graphiste et imprimeur, dessinateur et diffuseur. Les tâches circulent et ne se fixent pas – ne se réifient pas – dans une fonction spécialisée ; elles sont assurées indifféremment par chaque protagoniste, plutôt selon sa disponibilité que selon son savoir-faire. Cette mobilité des tâches évite que l’une d’elles – souvent la plus socialement valorisée ou la plus discriminante en termes d’âge ou de genre – ne se constitue en lieu de pouvoir pour ceux qui s’en emparent et la détiennent, et qui l’érigent en exercice exclusif et excluant. La fabrication du fanzine fait donc la nique à tout ce que la conception instituée du travail donne à croire. Elle libère l’activité de la gangue idéologique et organisationnelle dans laquelle les institutions dominantes du travail, en particulier salarié, tente de l’enfermer. Une activité peut se réaliser hors d’une capitalisation en s’appuyant sur les ressources de la coopération ; elle peut s’exercer hors d’un monopole professionnel en privilégiant les capacités collectives de co-apprentissage et de mutualisation ; elle peut se développer hors d’un cadre institutionnel strictement dédié, en renouant avec la créativité instituante de n’importe quelle pratique et avec la faculté dont nous disposons en commun d’inventer les formes institutionnelles, sobres et réactives, propices au développement de nos projets, et de les défaire / de les auto-dissoudre dès lors que leur utilité n’est plus de mise. L’auto-production du fanzine représente donc une échappée. Elle est la preuve, par l’expérience, qu’il est possible de faire autrement, hors du script imposé par les institutions dominantes, sur un mode décalé, à côté ou en dehors.
Des expériences qui ruissellent et irriguent nos espoirs
Dans les années 90 et 2000, de rares chercheurs ont porté leur regard au-delà de la crise de l’emploi qui obnubilait tous les observateurs ; ils ont su se décaler par rapport à l’idéologie dominante pour porter attention et considération aux expériences développées par des précaires et des jeunes activistes. À cette époque, dans un contexte d’idéologie néolibérale triomphante et de renoncement de la gauche officielle, ces expériences étaient rejetées d’un revers de pensée : il ne s’agissait que d’expériences marginales, sans portée politique (elles n’annonçaient pas le Grand soir) ni réelle alternative (trop micro pour se hisser à la hauteur des enjeux). La revue Futur antérieur est un de ces lieux où d’autres questionnements ont pu s’ouvrir, avec la volonté de s’émanciper d’une conception strictement ouvriériste du travail. Dans un numéro de la revue, Laurence Roulleau Berger écrira : « Certaines populations en situation de précarité économique, notamment des jeunes, occupent des espaces interstitiels délaissés par d’autres. Ces espaces à la fois physiques, sociaux et symboliques se forment entre les marchés du travail, il s’y construit des identités sociales à partir de socialisations transitionnelles, nous les avons qualifiés d’espaces intermédiaires. Les espaces intermédiaires montrent comment se construisent des ruptures et des adaptations individuelles et collectives autour de l’expérience de la précarité. Les espaces intermédiaires sont traversés par l’exploration mutuelle et conjointe de réponses provisoires aux situations de précarité. Il s’y développe des micro-organisations sociales, économiques et culturelles […] Ils apparaissent comme des espaces de travail « autonomes » dans une relation de mise à distance du travail salarié et fondés sur des rapports d’association et de coopération. […] Dans les espaces intermédiaires, la circulation des ressources entre plusieurs membres d’un réseau se caractérise par un état de dette positif : le désir de donner l’emporte souvent sur l’obligation. Dans la mesure où l’échange non-marchand organise de manière dominante les relations entre individus, des identités sociales peuvent se redéfinir positivement. […] Enfin les compétences collectives se construisent dans la lutte contre l’apartheid social, les ségrégations et les racismes. Les espaces intermédiaires apparaissent dans la ville d’aujourd’hui comme des haut-lieux d’élaboration de compétences politiques revendicatives » [6]. Malgré les années d’hiver, ainsi que Félix Guattari nommera ces longues années qui verront la gauche institutionnelle rendre les armes politiques et imaginaires face à l’offensive néolibérale [7], des utopies concrètes [8] continueront à prospérer ; elles insisteront et persisteront. Elles sauront s’infiltrer dans des interstices ou des espaces intermédiaires. Elles chemineront silencieusement mais puissamment. Là où l’histoire officielle, écrite du point de vue des dominants et des majoritaires, annonçait l’installation hégémonique du paradigme néolibéral et l’instituait comme horizon indépassable, d’autres histoires – elles minoritaires et rebelles – prouvaient que l’esprit de résistance ne cédait pas et laissait espérer un possible, un possible inventé en commun, dès à présent expérimenté.
Entre le désir autogestionnaire des années 60 et 70, les années punk, l’expérience des occupations, des squats, des friches ou des espaces intermédiaires tout au long des années 90 et 2000 jusqu’aux constellations autonomes contemporaines [9], de belles et fortes continuités peuvent être retracées, mais des continuités hétérogènes et vagabondes, empruntant des chemins imprévus, toujours capables de bifurquer et de s’évaporer de la surface pour éviter de se laisser (r)attraper et normaliser. Elles apprennent à disparaître comme le font les cours d’eau sur un plateau karstique, pour mieux resurgir là où elles ne sont pas attendues, et prendre à contre-pied et à contre-pensée les esprits bien pensants. Les résurgences auront été nombreuses. Aujourd’hui, elles font nappe ; elles constellent, elle trament. L’autonomie n’est plus une quête mais s’affirme comme une conquête. Les expériences se multiplient et se disséminent. J’ai pris conscience de ce basculement générationnel, qui traduit peut-être un renversement en cours de paradigme politique, au sein du projet des Fabriques de sociologie [10] – un projet qui associe des hybrides de la recherche, des activistes de la sociologie, des autodidactes de la théorie et des chercheurs « décalés », en fait un ensemble d’acteurs qui travaillent à distance critique de l’institution académique et qui s’efforcent de repenser / de refonder une pratique des sciences sociales à partir des expériences autonomes, en amitié et en alliance avec elles. Les Fabriques de sociologie me permettent de mesurer la force et le dynamisme des expérimentations engagées sur le terrain du social, de l’art ou de l’urbain, le renouveau d’une éducation populaire politique et, conséquemment, la capacité de la génération contemporaine à construire ses autonomies – à les construire et à les penser [11].
Une histoire rebelle écrite par des minoritaires pour des minoritaires
Dans mon langage théorique, je dirais que la période actuelle voit se déployer un puissant travail du commun (agir en commun, agir pour le commun) qui, d’évidence, ne disposerait pas de cette vitalité et créativité sans l’apport des nombreuses antériorités que je viens de mettre en valeur et sur lesquelles il parvient naturellement à s’adosser. Ce travail du commun profite de ce ruissellement des expériences autonomes qui irriguent plusieurs décennies depuis les années 60 – des expériences qui ne se sont laissées ni intimider ni interrompre par les nombreux obstacles mis sur leur route et dont l’histoire parvient jusqu’à nous et contribue à documenter nos espoirs. Ce ruissellement entraîne avec lui de multiples enseignements et compétences, forgés dans le refus de l’ordre dominant, qui fécondent nos pratiques d’aujourd’hui. Il charrie des parcelles d’imaginaires et des bribes de pratiques, des fragments d’expériences et des apostilles théoriques. Il fait trace et il fait récit [12]; il transporte un riche limon. « L’équivalent punk de cet héritage serait l’élan D.I.Y. [Do It Yourself] : un jeune de 14 ans aujourd’hui, où qu’il vive dans le monde et quoi qu’il fasse, peut se dire : « OK, je vais monter un groupe. Je vais faire un site Web. Je vais écrire un fanzine, je vais tourner un film, je vais écrire un blog ». Cet élan est désormais considéré comme naturel et acquis chez les jeunes – je pense que c’est l’héritage punk » [13].
La quête et la conquête d’une autonomie représentent donc un des moments communs à l’ensemble de ces expériences, un moment qui les associe par-delà les conjonctures historiques et au-delà de leur stricte spécificité (identité). Que possède en commun un fanzine punk et un fablab (atelier de création et de fabrication collaboratives) ? Un squat et une communauté du logiciel libre ? Si ce n’est cette volonté partagée de reprendre en main les conditions de l’activité, hors de toute hiérarchisation des tâches et indépendamment d’une spécialisation des compétences, cette volonté de reprendre la main sur la conduite de l’activité et de l’émanciper des emprises bureaucratiques et technocratiques. Si ce n’est cette capacité à se décaler radicalement pour tenir à distance les modèles d’organisation dominants et pour dégager, de la sorte, un espace de liberté propice à l’expérimentation. Si ce n’est la même résistance à l’esprit du temps, réengagée dans des conjonctures différentes mais confirmant l’existence d’un même adversaire : le conservateur, le possédant, le conforme. Si ce n’est le goût pour faire par soi-même et faire avec d’autres. Ce moment est constitutif d’une histoire subalterne, souvent invisibilisée, fréquemment réprimée, mais toujours insistante et résistante – l’histoire des sujets rebelles qui ne cessent d’inventer et de réinventer des pratiques autonomes, l’histoire des révoltés qui ne renoncent pas devant la violence discriminatoire et disqualifiante de l’ordre dominant. Cette quête et cette conquête d’autonomie écrivent le texte d’une autre histoire, un texte qui prend forme expérience après expérience, un texte établi par des minoritaires à destination de minoritaires, un texte qui invente son langage, sa graphie, ses concepts, un texte qui n’est déposé dans aucune bibliothèque et qui ne s’apprend dans aucune école. Cette autonomie qui s’écrit dans et par l’expérience est une histoire de longue portée, avec ses silences et ses accélérations, ses vides et ses intensités. Elle paraît disparaître et resurgit toujours.
Avec sa théorie des moments, Henri Lefebvre [14] propose une conceptualisation de l’histoire qui restitue parfaitement cette continuité discontinue en intégrant pleinement l’ensemble de ces modulations et de ces inflexions. Un « moment » émerge dans une conjoncture socio-historique et ne la lâchera plus, même si son influence subit de brusques variations. La quête et la conquête de l’autonomie ont surgi dans notre paysage politique et elles ne le quittent plus. Le « moment » est la forme que prend le devenir historique lorsqu’il insiste sans nécessairement pouvoir complètement maturer, lorsqu’il persiste sans parvenir néanmoins à se déployer, à se déplier. Mais surviendra toujours le moment où ce « moment » de l’autonomie, constitutif d’une histoire rebelle, se rendra à nouveau fortement présent, fera entendre sa voix avec force et montera en intensité. Il se réactualisera dans un contexte différent, il se modulera en termes encore inusités, prendra d’autres formes, utilisera de nouveaux mots mais, au final, ce sera bien la même aspiration, la même volonté, la même lutte qui s’exprimera, qu’elle se nomme fanzine, squat, logiciel libre, punk, travail du commun, autogestion ou Do It yourself. « L’Histoire est-elle simplement une affaire d’événements qui laissent derrière eux ces choses qu’on peut peser et mesurer – nouvelles institutions, nouvelles cartes, nouvelles règles, nouveaux vainqueurs et nouveaux perdants – ou n’est-elle pas, aussi, le résultat de moments qui semblent ne rien laisser derrière eux, rien, excepté le mystère de connections spectrales entre des gens très éloignés dans l’espace et dans le temps, mais parlant, en quelque sorte, le même langage ? » [15].
Un travailleur instruit des luttes passées et conscient de ses potentialités
Pourquoi ce « moment » de l’autonomie s’intensifie-t-il aujourd’hui avec autant de force ? Pourquoi les expériences sont-elles si nombreuses et si audacieuses ? Nous pouvons évoquer deux facteurs historiques. En premier lieu, il convient de rapporter ce regain d’attention pour des démarches autonomes aux évolutions anthropologiques que connaît l’activité de travail. Antonio Negri et Michael Hardt ont largement documenté cette question dans leurs ouvrages [16]. Que cette évolution soit caractérisée en terme de travail immatériel, de travail cognitif ou de travail affectif, elle souligne avant tout que le travail acquiert tendanciellement un caractère réellement biopolitique, au sens où il implique de plus en plus fortement nos vies. Dans sa conception fordiste (taylorienne et ouvriériste), le travail engageait principalement le corps à travers une parcellisation des tâches qui exprimait une dure fonctionnalisation des gestes. La subjectivité du travailleur était violemment exclue du procès de travail. Cette dépossession de la vie a été l’œuvre historique du taylorisme. Le travail a été de plus en plus profondément dissocié de l’expérience, du vécu et de l’existence de la personne. Le capitalisme a opéré un renversement de perspective au cours des années 70, un renversement qui se fera de plus en plus fortement sentir au cours des années 90 et 2000. L’exploitation physique de la force de travail ne suffit plus, les industries culturelles et les productions de communication s’appuient sur des qualités autrement plus larges de la force de travail. L’implication du travailleur est requise ; il est attendu de lui qu’il mobilise sa créativité. Il est attendu de lui qu’il collabore avec d’autres car ces qualités cognitives et communicationnelles prennent d’évidence un caractère collectif. Le capitalisme ne cherche pas à épanouir le travailleur mais à l’exploiter sur un mode différent, plus adapté aux nouveaux enjeux productifs. La permanence de l’exploitation ne doit pas masquer le fait que cette exploitation se transforme significativement. Le travail n’est plus le même, l’implication au travail en est naturellement affectée, le rapport de chacun à sa tâche en est significativement transformé. La pénibilité demeure mais ne s’exprime plus de la même façon. Le travailleur est incité à s’impliquer mais dans des limites étroitement posées par le management ; il perçoit un possible qui est immédiatement entravé, empêché. Cette implication convoquée et immédiatement dérobée [17] est source d’une grande souffrance. Le travailleur est invité à communiquer pour améliorer la coordination productive ; il est encouragé à faire preuve d’initiatives. Ses qualités intellectuelles (langagières, analytiques…) sont plus fortement mobilisées mais sur un mode qui reste celui de l’exploitation et qui génère donc de terribles frustrations et déceptions. Le travailleur d’aujourd’hui est un travailleur qui dispose d’un haut niveau de qualification et de compétence intellectuelle, en raison d’une scolarisation généralisée et d’une ambition réflexive toujours plus élevée. Il a parfaitement conscience de ses qualités, il sait pour l’éprouver que ces qualités sont cruciales à la réussite du processus de production. Mais, pourtant, il reste exclu des décisions, il est maintenu en position d’exécution même s’il dispose d’une marge de manœuvre et d’adaptation. Le rôle du management est de contrôler cette force de travail aux qualités de plus en plus affirmées sur le plan du langage, de l’intellect et de la communication. Il s’agit d’une fonction explicitement politique au sens de Rancière. En permanence le management trace la limite entre la parole requise et la parole disqualifiée, entre l’initiative attendue et l’initiative rejetée, entre un exercice conforme de l’activité et un exercice réprimé…
Les nouvelles dynamiques productives ouvrent des possibles que le management bloque violemment. Cette tension entre le possible ressenti par le travailleur, parfaitement conscient de son pouvoir d’agir, et des formes d’organisation du travail qui annihilent, dissuadent, restreignent, marque d’une empreinte profonde la subjectivité des travailleurs contemporains. Soit cette tension s’épanche dans une souffrance infinie et indéfinie, sans limite car sans objet autre que la vie elle-même – c’est la vie au travail qui devient souffrance, et cette souffrance n’est plus circonscrite à un motif spécifique ou à une raison particulière – soit cette souffrance se métamorphose en exigence (de faire autrement), en appel (à un autre monde), en aspiration (d’autres relations). Cette souffrance se met en mouvement, met en mouvement. L’individu est toujours en capacité d’opérer un tel renversement, en faisant d’un manque et d’une frustration (un affect négatif) le moteur d’une quête et d’une conquête (un affect positif). Mais ce basculement est plus sûrement réalisé dans un cadre collectif, à l’occasion d’une lutte par exemple, lorsqu’une communauté de travail se met en mouvement et donc met en mouvement les subjectivités.
La quête et la conquête contemporaines d’autonomie se déterminent sur cette tension. Les Do It Yourself et Do It Together sont désormais possiblement, tendanciellement, présents dans l’exercice ordinaire de l’activité de travail en regard de ses transformations. Ils font en quelque sorte partie de la constitution subjective du travailleur d’aujourd’hui, formé aux luttes du passé et conscient comme jamais de ses potentialités communicationnelles, sensibles et intellectuelles. Les Do It Yourself et Do It Together deviennent la condition ordinaire du travailleur contemporain, que ce soit l’informaticien qui baigne dans l’expérience des logiciels libres ; que ce soit le/la jeune intellectuel-lle qui, à l’occasion de ses études universitaires et contre le conservatisme de l’Université, fait l’expérience de son autonomie de penser ; ou, encore, du travailleur du social qui prend conscience que l’attention à l’autre (le care) est une compétence essentielle dans une société complexe qui se vit comme société du risque / à risque, une compétence qui nous devient commune et qui ne doit plus être déléguée à un État.
Les transformations du travail actualise donc avec force le « moment » de l’autonomie qui d’une revendication historiquement minoritaire est en passe de devenir une condition commune du travailleur d’aujourd’hui, mais une condition encore aliénée, voire réprimée.
Une activité qui échappe, qui s’échappe
Par ailleurs, le « moment » de l’autonomie se réalise aujourd’hui dans un contexte particulier, celui de l’expérience massive et instituante de la précarité. Il s’agit du deuxième facteur historique que je souhaitais soulever et qui spécifie aussi cette question. Patrick Cingolani est un des très rares sociologues à avoir, dès les années 80 avec son ouvrage L’exil du précaire [18], pris en considération la portée subjectivante de l’expérience « précaire ». Des sujets se construisent dans cette expérience et se construisent avec elle. À la fin du siècle dernier et au début de l’actuel, la majeure partie des travaux en sciences sociales assimilait majoritairement l’expérience de la précarité à un vécu difficile, stigmatisant, voire destructeur. Après une période de quarante années – de l’ordre d’une génération – il n’est plus possible de réduire cette expérience à son caractère éprouvant. Des vies se construisent, des vies résistent, des vies inventent. Prenant acte de l’institutionnalisation de la précarité (politique de l’emploi, structuration du marché du travail…), des collectifs de jeunes et moins jeunes précaires décident politiquement de se décaler, et font le choix existentiel de vivre leur activité en dehors, au-delà, en deçà de l’institution « précaire » ; ils prennent donc radicalement leur distance avec l’organisation du salariat, les structures du marché du travail et, surtout, les politiques de l’emploi. La « précarité » est une forme institutionnelle, largement dominante. Les mouvements sociaux ne parviennent pas à la renverser, y compris parce que nombre de travailleurs croient encore au retour du plein emploi et à la possibilité d’amender la situation. Si elle ne peut être renversée globalement, d’un seul bloc, elle peut sûrement être détournée, contrecarrée ou distanciée. De nombreuses expériences d’autonomie s’engagent dans cette perspective. Patrick Cingolani le met en valeur de façon très juste dans son ouvrage Révolutions précaires : « Il faut en ce sens prendre acte de la nouvelle sensibilité à la réalisation de soi et à l’autonomie qui a caractérisé la configuration culturelle et politique propre aux années 1960 et à leurs postérités. Il faut prendre acte de la critique antidisciplinaire, antihiérarchique et antibureaucratique qui trouve dans la revendication égalitaire l’un de ses principaux fondements. Il faut prendre au sérieux les formes de liberté des précaires ; même si elles relèvent parfois d’un certain imaginaire narcissique de repli individualiste, elles ont principalement pour ressort la maximisation de la puissance créatrice de cette liberté en multipliant les liens et les réseaux de sociabilité et de coopération » [19]. Patrick Cingolani opère la jonction entre une aspiration à l’autonomie, de relative longue portée, qui s’alimente dans les revendications et les luttes des années 60, et sa réalisation contemporaine indissociable de l’expérience « précaire » à travers la capacité des travailleurs concernés à réinventer des espaces autonomes sur la base d’une familiarité (amitié, complicité professionnelle, interdépendance) et d’une coopération. L’expérience « précaire », de facto, met à distance les institutions établies ; les travailleurs entérinent, à une échelle générationnelle, qu’ils n’ont rien à attendre du système en place. Ils s’en émancipent par une évidente nécessité ; ce qui ne veut nullement dire qu’ils s’en dissocient complètement. L’autonomie ne signe pas une marginalité mais, au contraire, un rapport libre et distancié avec les fonctionnements dominants, et une capacité à ruser avec eux. Les précaires sont des « occasionnalistes » ; ils s’inscrivent dans les règles établies si l’occasion est opportune et si elle est profitable à leur projet de coopération, et ils s’en éloignent dès que besoin si elle induit trop d’effets néfastes.
Le travailleur précaire est en capacité collectivement de faire défection et de se décaler afin de dégager l’espace nécessaire à l’invention de nouvelles pratiques. Je nomme travail du commun cette faculté de décalage et de déplacement, cette faculté exercée en commun qui permet de recréer les conditions communes indispensables à une pratique plus respectueuse des attentes de chacun. Patrick Cingolani parle à ce propos d’une échappée, d’un geste d’échappée. « C’est en effet de ces échappées, de ces tactiques de l’écart qu’émergent les hybridations et les figures du « précaire » comme « double » : entre subordination et autonomie, entre travail et activité. Le spectre décrit par ces tensions comporte toutes les figures du dénuement, et de la contrainte, mais aussi du détournement, de l’affirmation, du conflit » [20]. Toni Negri et Michael Hardt évoquent pour leur part un phénomène d’exode, indissociable des nouvelles expériences d’activité : « Dans le contexte biopolitique, la lutte des classes prend la forme de l’exode. Par exode nous entendons, du moins dans un premier temps, un processus de soustraction à la relation avec le capital par l’actualisation de l’autonomie potentielle de la force de travail. L’exode n’est pas un refus de la productivité de la force de travail biopolitique, mais plutôt un refus des entraves de plus en plus étouffantes que le capital impose à ses capacités de production. […] En première approche, on pourrait assimiler cette forme de lutte de classe à un genre de marronnage. À la manière des esclaves qui se libéraient collectivement des chaînes de l’esclavage pour former des communautés autogouvernées et des quilombos, la puissance de travail biopolitique qui se soustrait à sa relation au capital doit découvrir et bâtir de nouvelles relations sociales, de nouvelles formes de vie qui lui permettent d’actualiser ses puissances productives. Mais contrairement à l’exode des esclaves marrons, celui-ci ne signifie pas nécessairement partir ailleurs. Nous pouvons suivre une ligne de fuite tout en restant ici, en transformant les relations de production et le mode d’organisation sociale dans lesquels nous vivons » [21].
Peupler, équiper, outiller l’autonomie
Le travail du commun, en tant que quête et conquête d’autonomie, appelle cet exode, ce décalage, cette dissociation. La rupture avec les institutions en place est indispensable, mais cette rupture est créative, instituante, constructive. Il ne s’agit pas de prendre ses distances en rêvant d’un monde ailleurs, hors de l’existant, avec l’espoir de découvrir la terre inconnue et protectrice, le graal où l’auto-réalisation de soi dans et par la communauté se manifesterait naturellement. Le processus est autrement plus conflictuel. Il est indissociablement destituant et instituant. Le rapport aux institutions en place demeure dans une tension politique sans cesse réengagée, y compris parce que les emprises capitalistes ne lâchent pas si facilement, ne serait-ce que par l’omniprésence des dispositifs étatiques et par l’universalisme marchand. S’en défaire suppose une (ré-)élaboration constante, un (ré-)engagement permanent. La prise d’autonomie n’est acquise à chaque fois que relativement, que tendanciellement ; elle est possiblement reprise dès qu’un relâchement politique se produit. Le processus est passionnant, parce qu’il est densément politique et existentiel, mais il peut être épuisant s’il n’est pas soutenu par une forte dynamique collective et par un riche ancrage communautaire. En effet, comment prendre ses distances, comment vivre cet exode ?, si ce n’est en inventant de nouveaux dispositifs, en adoptant de nouvelles dispositions de vie et d’activité qui font « différence » et qui instaurent un écart réel au « réel » ; cet écart se réalise « réellement » car il est équipé, peuplé, manifesté. Cet écart, ce geste d’échappée, qu’évoque Patrick Cingolani, ont besoin de prendre consistance. Entre notre autonomie et les institutions capitalistes et bureaucratiques, il faut intercaler des expériences, des pratiques, des langages, des dispositifs – comme on enfonce des clous – qui, puissamment, attestent une différence de pensée et de vie, qui l’incarnent, qui le traduisent. Le travail du commun vient nommer ce geste collectif, qui est un geste densément peuplé. Que l’on nomme ce mouvement autogestion, auto-réalisation de soi ou communauté, il relève d’une réinterpellation constante de nos implications, du rapport de soi à soi et du rapport de soi aux autres. L’institution la plus redoutable sur laquelle bute un travail du commun – la quête et la conquête d’autonomie – est l’institution de soi-même en tant que sujet de la société (travailleur, parent, étudiant, professeur, amant, citoyen…). L’institution de soi-même est souvent la plus durcie, la moins conscientisée et la plus conservatrice. Le travail du commun suppose donc aussi un geste d’échappée dans le rapport de soi à soi, une forme de défection par rapport à ses implications les plus convenues, les plus attendues, un exode à l’intérieur de sa propre vie et de sa propre activité. Cette dynamique n’est pas destructrice, elle est féconde. Elle n’est pas l’œuvre d’un individu « héroïque » capable à lui seul de devenir autre que ce que la société fait de lui, fait avec lui. Elle se conçoit et se réalise collectivement en tant que projet partagé, en tant que « commun », en tant que communion des espoirs (une conquête) et des désirs (une quête). Le travail du commun nous familiarise et nous éduque à cet effort de dissociation et conforte notre « identité » d’individu dissocié, d’individu en capacité de distancier ses implications et de rester « mobile » et créatif au cœur de ses propres appartenances et réalités de vie. L’autonomie se manifeste par la capacité à dissocier et à (ré-)associer sur le mode du « et ». Je suis cela mais aussi cela, et possiblement toujours autre. Je ne coïncide jamais complètement avec ce que je suis, en tant que sujet institué dans ses rôles sociaux. Je me détache, dès que souhaité ou dès que nécessaire, de mes attaches. L’expérience punk le formulera très bien à propos de la pratique et de l’identité du musicien : « ceux qui ne savaient pas jouer essayaient d’apprendre, ceux qui savaient essayaient d’oublier » [22] car, au final, « si ça n’est pas de la musique, c’est au moins de l’art » [23].
Le travail du commun est donc inséparable d’une forme permanente de réinvention et de réengagement. Ce mouvement ne peut guère se relâcher et n’est supportable que lorsqu’il est partagé au sein d’une communauté, lorsqu’il est outillé par des dispositifs et des dispositions. Sylvain Picard a fondamentalement raison en titrant sa recherche « Outiller l’autonomie, instituer le commun » [24] et en questionnant le collectif / la communauté dans les termes d’une institution du commun, avec ses outils, ses méthodes, ses dispositions, ses langages, ses épistémés… Dès que les dispositions se relâchent, dès que les outils se dérèglent, dès que les principes s’assoupissent, l’autonomie conquise cède du terrain, s’effrite ou s’affaisse.
À l’épreuve du faire, à l’expérience de l’activité
Le Do It Yourself, comme tout projet d’autonomie, est confronté à deux écueils. D’une part, il peut laisser penser que la solution se trouve du côté de petits isolats alternatifs, auto-suffisants, qui parviennent à tenir à distance les fonctionnements dominants. Le Do It Yourself s’expose alors à un risque d’isolement et de repli sur soi, voire d’auto-satisfaction sur le mode « j’ai raison, je le prouve, malgré ce qu’en pensent les autres ». Il risque, au fond, de se dépolitiser (de se déconflictualiser) dès lors que sa stratégie est de mettre le plus de distance possible avec les contraintes et enjeux que le système dominant nous pose. D’autre part, les valeurs prônées par le Do It Yourself (créativité, autonomie, capacité à coopérer…) peuvent être complètement renversées par le système dominant et mobilisées à son profit. Fabien Hein le souligne clairement : « on peut toutefois se demander si l’esprit DIY ne portait pas en germe les arguments de son retournement. Les notions d’autonomie, d’autoproduction, d’autoformation voire d’autosuggestion (cf. la Positive Mental Attitude), ainsi que la capacité à développer une activité productive à des coûts très réduits, tout ceci tendait à faire du créateur punk le parfait représentant de l’individu « entrepreneur de lui-même », se vivant et se pensant comme origine absolue de son action, « étant à lui-même son propre capital, étant pour lui-même son propre producteur, étant pour lui-même la source de ses revenus », que décrivait précisément Michel Foucault » [25]. L’autonomie n’est pas un acquis (un réalisé, un donné) mais un processus, un processus qui expose, qui s’expose [26]. Cette tension risquée est inhérente à un travail du commun.
La quête de l’autonomie est un idéal sans cesse réengagé, la conquête d’une autonomie est un élan, un mouvement, dont l’outillage et l’équipement doivent être régulièrement vérifiés, expérimentés, réinventés. Si les « outils » cèdent alors l’autonomie se délite et le travail du commun s’évide. C’est certainement la raison pour laquelle, avec une grande intelligence politique, les projets d’autonomie contemporains sont des projets construits sur un faire, sur un fort engagement dans l’activité. Entre notre idéal et les institutions dominantes, il ne suffit pas de mettre des mots (une déclaration, un manifeste, des principes), il faut engager du récit et de l’histoire – les antériorités et les devenirs rehaussent la qualité de nos idéaux et la force de nos résistances – et il faut mobiliser du faire. L’idéal s’incorpore alors dans une activité ; il se densifie, il s’équipe, il se substantialise par et dans ce faire [27], à travers des compétences mutualisées, des co-apprentissages, des liens de coopération. « Au fond, c’était là la dimension politique. Il était clair pour moi qu’on pouvait faire et distribuer ses propres disques. Qu’on pouvait faire les choses vite. Enregistrer aujourd’hui, le sortir demain. Qu’on peut aussi vendre soi-même et ré-injecter l’argent. Que vraiment tout le monde pouvait le faire. C’était la fin des artistes. Faire des sons et des bruits intenses. Mais aussi vivre intensément » [28]. La quête et la conquête d’une autonomie supposent la constitution d’un faire – un faire qui signe une prise de distance (vis-à-vis des institutions établies) et qui marque une co-présence à l’autre, avec l’autre (une coopération). Ce faire vaut pour l’ensemble des dynamiques qu’il inclut, qu’elles relèvent des collaborations ou des co-apprentissages, des principes d’action et des imaginaires de vie.
Dans cette perspective politique et théorique, le travail du commun, au fur et à mesure qu’il s’expose aux conservatismes – à leur violence et à leur force normalisatrice – ne s’affaiblit pas, mais au contraire se rehausse, se densifie. À force d’être éprouvé, il gagne en portée et en ambition. Le travail du commun monte en puissance à la mesure des épreuves qu’il surmonte, et à la hauteur des dispositifs qu’il est tenu de créer, des dispositions qu’il est obligé d’instituer, des outillages qu’il est forcé d’expérimenter. Il n’a pas d’autre « vérité » que celle d’un faire réellement éprouvé dans une coopération, que celle d’une activité authentiquement partagée et expérimentée en commun. Le travail du commun s’inscrit dans le long ruissellement d’expériences qui signent la permanence et la résistance des autonomies, que ce soit du côté de la scène punk ou des expériences contemporaines d’autogestion [29], du côté Do It Yourself ou des communautés du logiciel libre.
Pascal NICOLAS-LE STRAT, juillet 2015
[1] Les activistes espagnols de Podemos insistent sur l’apport décisif de la mise en mots pour renforcer leurs mobilisations. « Construire un récit, c’était le premier des enjeux qui a pris forme peu à peu pendant que nous étions au combat : appeler les choses par leur nom, dire voleur au voleur et corrompu au corrompu. [Notre discours] se proposait de prendre d’assaut des significatifs flottants ou partiellement vides tels que démocratie, justice, pays, patrie ou décence, lesquels jusqu’à présent étaient entre les mains des puissants. […] Et parce que nous sommes ceux qui payent le prix des réponses, nous avons décidé de devenir aussi les maîtres des questions ». Carolina Bescansa, Íñigo Errejón, Pablo Iglesias, Juan Carlos Monedero, Podemos, sûr que nous pouvons ! (tr de l’espagnol par Martine Sicard), Indigène éd., pp. 18, 67 et 13. À propos de cet enjeu de la mise en mots et en récit, se reporter aux travaux de Benjamin Roux réunis sur son site : http://www.cultivateurdeprecedents.org/.
[2] Stephen Colegrave & Chris Sullivan, Punk. Hors limites (Tr. de l’anglais par Philippe Paringaux), Seuil, 2010, p. 376.
[3] Legs Mcneil & Gillian Mccain, Please Kill Me – L’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs (Tr. de l’anglais par Héloïse Esquié), éd . Allia, 2011, p. 473.
[4] Samuel Étienne, « First & Last & Always : les valeurs de l’éphémère dans la presse musicale alternative », Volume ! n°2, 1/2003, mis en ligne le 15 mai 2005, http://volume.revues.org/2303 [consulté le 12 juillet 2015].
[5] Étienne Delprat, Système DIY. Faire soi-même à l’ère du 2.0 (Boîte à outils & catalogue de projets), éd. Alternatives, 2013.
[6] Laurence Roulleau Berger, « Villes en friches : précarités, socialisations, compétences », revue Futur antérieur n°29, 1995/3, en ligne : http://www.multitudes.net/Villes-en-friches-precarites [consulté le 15 juillet 2015]. Se reporter aussi à son ouvrage La Ville-Intervalle : jeunes entre centre et banlieue, Méridiens klincksieck, 1991.
[7] Félix Guattari, Les années d’hiver (1980-1985), Les prairies ordinaires, 2009.
[8] Ernst Bloch, Le principe Espérance I, Gallimard, 1976.
[9] Constellations (Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle), Collectif Mauvaise Troupe, éd. de l’éclat, 2014. Je propose une lecture de cet ouvrage dans mon livre Le travail du commun, disponible en ligne : https://pnls.fr/fauteurs-dhistoires-a-propos-de-constellations-trajectoires-revolutionnaires-du-jeune-21e-siecle/.
[10] Le projet des Fabriques de sociologie, dont j’ai pris l’initiative en complicité amicale avec Martine Bodineau, et qui, aujourd’hui, se développe comme un authentique « commun », est présenté sur le site http://www.fabriquesdesociologie.net/.
[11] Un des acteurs des Fabriques de sociologie, Sylvain Picard a conduit une recherche sur le collectif dans lequel il est impliqué. Sa recherche Outiller l’autonomie, instituer le commun – Une expérience collective explorée par un de ses acteurs (L’exemple du collectif des MutinEs), juin 2015, peut être consultée sur le site des Fabriques de sociologie : http://corpus.fabriquesdesociologie.net/outiller-lautonomie-instituer-le-commun/.
[12] Sur ce rapport aux antériorités, voir le travail de Benjamin Roux : http://www.cultivateurdeprecedents.org/.
[13] Johan Kugelberg et Jon Savage (s. la dir. de), textes de William Gibson, Linder Sterling et Gee Vaucher, Punk, une esthétique, Rizzoli international publications, 2012, p. 343.
[14] Cf. Remi Hess, Henri Lefebvre et la pensée du possible – Théorie des moments et construction de la personne (préface de Gabriele Weigand), Economica / Anthropos, 2009.
[15] Greil Marcus, Lipstick Traces – Une histoire secrète du vingtième siècle (Tr. de l’anglais par Guillaume Godard), éd. Allia, 1998, p. 13.
[16] La mutation du travail et l’hégémonie d’un travail immatériel constituent une des pièces théoriques centrales de leur trilogie : Michael Hardt et Antonio Negri, Empire, Exils éd., 2000 ; Multitude (Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire), éd. La Découverte, 2004 et Commonwealth, éd. Stock, 2012.
[17] J’ai développé cette thèse dans mon livre L’implication, une nouvelle base de l’intervention sociale, L’Harmattan, 1996. En libre accès au format ePub : https://pnls.fr/limplication-une-nouvelle-base-de-lintervention-sociale-livre-epub/.
[18] Patrick Cingolani, L’Exil du précaire – Récits de vie en marge du travail, Méridiens Klincksieck, 1986.
[19] Patrick Cingolani, Révolutions précaires – Essai sur l’avenir de l’émancipation, éd. La Découverte, 2014, p. 87.
[20] Idem, p. 113.
[21] Michael Hardt & Antonio Negri, Commonwealth (Tr de l’anglais – États-Unis par Elsa Boyer), Coll. Folio, Gallimard, rééd. 2013, p. 227-228.
[22] Greil Marcus, Lipstick Traces, op. cit, p. 500.
[23] Jürgen Teipel, Dilapide ta jeunesse (Un roman-documentaire sur le punk et la new wave allemands), Allia, 2010, p. 62.
[24] Sylvain Picard, op. cit., recourt à la notion très heuristique d’outils intercalaires, des outils qui se glissent entre l’activité et ses formes institutionnelles, entre les personnes et leur communauté d’appartenance, entre les actes et les principes. « Ces intercalaires, ces outils, ces dispositifs permettent d’équiper le collectif pour mettre en œuvre un ensemble de principes. Ils participent en quelque sorte d’une traduction possible des valeurs en actes. Mais au-delà de la simple interaction de nos principes et de nos actes, en plus de la réflexivité habituelle, ces outils servent à faciliter le déplacement des personnes à travers les différents niveaux de réalité du collectif », p. 96.
[25] Fabien Hein, Do It Yourself ! Autodétermination et culture punk, Le passager clandestin, 2012, p. 154-155.
[26] André Gorz a mis au centre de sa philosophie et de sa sociologie une réflexion majeure et stimulante sur l’autonomie. J’ai eu l’occasion de discuter ses thèses in « Travail et constitution du sens, à propos d’André Gorz », Futur antérieur n° 35-36, 1996/2 (en ligne : https://pnls.fr/travail-et-constitution-du-sens-a-propos-dandre-gorz/). Je faisais reproche à André Gorz de poser l’autonomie (l’activité coopérative, par exemple) et l’hétéronomie (le travail salarié) comme deux sphères ontologiquement antagoniques. Je défendais l’hypothèse que l’autonomie se réengage de partout, et nulle part spécifiquement, qu’elle n’est pas liée à une sphère dédiée, au risque, sinon, qu’elle ne se replie et fonctionne en isolat, mais qu’elle relève d’un processus et d’une expérimentation toujours à manifester et à réattester, à n’importe quel endroit de la société.
[27] Michel Lallement, L’âge du faire – Hacking, travail, anarchie, éd. du Seuil, 2015 ; Chris Anderson, Makers – La nouvelle révolution industrielle (Tr. de l’américain par Michel le Séac’h), Pearson, 2012.
[28] Jürgen Teipel, Dilapide ta jeunesse, op. cit., p. 182-83.
[29] Maxime Quijoux, Néolibéralisme et autogestion – L’expérience argentine (préface de Paul Bouffartigue), éd. de l’IHEAL, 2011.